Subtilité tunisienne entre Riyad et Téhéran : une diplomatie équilibrée et pragmatique
Par l'écrivain et l'analyste politique NIZAR JLIDI

Une stratégie mesurée et polyvalente
La récente programmation de deux visites ministérielles étrangères à Tunis en moins de 24 heures n’est pas un hasard. Elle reflète la subtilité de la diplomatie tunisienne, qui refuse l’alignement rigide et préfère une approche pragmatique et non-alignée.
La Tunisie n’oppose pas la Ligue arabe à l’axe perse, mais choisit d’ouvrir le dialogue avec les deux pôles régionaux en fonction de ses propres intérêts.
Avec l’Arabie saoudite, Tunis vise des résultats concrets : investissements, coopération technique et soutien aux enjeux arabes, notamment la cause palestinienne.
Avec l’Iran, la dynamique est plus politique et diffuse : diversification des partenariats, maintien de ponts diplomatiques et affirmation de son indépendance.
Timing géopolitique et symbolique
La visite iranienne s’est tenue juste après l’accord technique entre Téhéran et l’AIEA. Un choix calculé : l’Iran capitalise sur un contexte positif, et la Tunisie démontre sa capacité à rester ouverte même sur des sujets sensibles comme le nucléaire civil.
Le lendemain, la rencontre avec le ministre saoudien rappelle que la Tunisie maintient ses relations stratégiques avec le Golfe, notamment dans les domaines économiques et sécuritaires. Cette alternance traduit une position de médiateur régional.
Impacts politiques internes et vision diplomatique
Derrière cette manœuvre, la présidence tunisienne projette une image de souveraineté diplomatique.
Refus des ingérences extérieures.
Soutien ferme à la cause palestinienne.
Défense des intérêts nationaux : développement, stabilité et diversification.
Cette posture séduit une opinion tunisienne lassée des dépendances extérieures et des postures idéologiques figées.
Enjeux à court et moyen terme
Court terme
Application concrète du MoU tuniso-saoudien (séminaires, formations, coopération institutionnelle).
Annonce possible d’accords culturels ou économiques tuniso-iraniens (tourisme, échanges universitaires).
Moyen terme
Organisation potentielle de forums trilatéraux (Tunisie – Golfe – Iran).
Définition d’une politique étrangère tunisienne plus équilibrée dans les forums internationaux (ONU, dossiers nucléaires, Gaza).
Risques et opportunités
Opportunités
Positionner la Tunisie comme médiateur régional crédible.
Diversifier les financements et partenaires économiques.
Affirmer une diplomatie multipolaire et autonome.
Risques
Mécontentement des pays du Golfe si les relations avec l’Iran s’intensifient.
Réactions négatives de certains alliés occidentaux.
Communication interne délicate pouvant générer des perceptions d’incohérence.
La diplomatie tunisienne ne cherche pas à choisir entre Riyad et Téhéran, mais à tracer sa propre voie. En accueillant successivement des ministres saoudien et iranien, Tunis réaffirme son rôle de pont diplomatique dans une région polarisée. Une stratégie fine qui vise à défendre ses intérêts, tout en renforçant sa crédibilité internationale comme acteur de dialogue et de médiation.