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UE–Qatar : bras de fer énergétique autour des droits humains

L’Europe durcit son arsenal réglementaire, Doha menace de couper le gaz, Washington gronde, Alger se tient prête

L’Union européenne active une nouvelle fois son levier réglementaire en matière de droits humains et d’environnement, au risque de provoquer une onde de choc géopolitique. La directive sur le devoir de vigilance (CSDDD), adoptée en avril 2024 mais pas encore appliquée, pourrait remettre en cause les relations énergétiques entre l’Europe et plusieurs puissances mondiales, dont le Qatar et les États-Unis.

Ce texte impose aux grandes entreprises opérant en Europe de prouver que leurs chaînes d’approvisionnement ne portent pas atteinte aux droits humains ni à l’environnement, sous peine d’amendes pouvant atteindre 5 % de leur chiffre d’affaires mondial.

 Le Qatar menace de fermer le robinet du gaz

Doha, troisième exportateur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL), a vivement réagi. Le ministre qatari de l’Énergie, Saad Al-Kaabi, a averti lundi 3 novembre que son pays pourrait suspendre ses livraisons à l’Europe si Bruxelles ne revoit pas sa directive.

« Si l’Europe ne revoit pas le CSDDD… nous ne livrerons pas de GNL à l’Europe, c’est certain », a-t-il déclaré lors d’une conférence énergétique à Abou Dhabi.

Le Qatar fournit 12 à 14 % du GNL européen. Une rupture ferait peser un risque majeur sur l’approvisionnement européen, déjà fragilisé depuis la guerre en Ukraine et le recul des importations russes.

Washington aussi menace de se retirer

Le géant américain ExxonMobil a lui aussi mis en garde contre les conséquences de la loi européenne. Son PDG, Darren Woods, a estimé que cette législation pourrait rendre l’environnement économique européen « impossible pour les entreprises ».

« Si nous ne pouvons pas être une entreprise prospère en Europe… il devient impossible de rester », a-t-il déclaré.

Woods accuse Bruxelles d’entretenir un cadre “nuisible” pour l’industrie, déjà affaiblie par la crise énergétique.

 Alger en embuscade

Face aux tensions, le regard se tourne vers l’Algérie, autre fournisseur stratégique de gaz pour l’Europe. Alger pourrait techniquement augmenter ses livraisons pour compenser une éventuelle baisse des volumes qatariens ou américains — mais devrait accélérer fortement ses capacités de production.


 Une Europe entre principes et réalpolitik

Cette crise met une nouvelle fois en lumière le dilemme européen :

  • ✅ Défendre les droits humains et l’environnement

  • ❌ Sans fragiliser sa sécurité énergétique

  • ❗ Ni provoquer un exode industriel

Déjà critiquée pour avoir fermé les yeux sur d’autres partenaires controversés — du Mercosur au schiste américain — l’UE devra trouver un équilibre délicat, au risque d’attiser la colère de Washington, de Doha… et de fragiliser davantage son économie.

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