Gaza : le journalisme au péril de la vie

À Gaza, raconter une histoire peut coûter la vie. Pour les journalistes palestiniens, hommes et femmes, exercer leur métier est devenu un acte de courage extrême. Maha Hussaini, 33 ans, témoigne pour la première fois dans la presse internationale de son quotidien au cœur de l’enclave assiégée.
Depuis deux ans, Maha ne mesure plus sa vie en années, mais en histoires. Les mois et les jours ont perdu leur sens face à la violence constante. Chaque reportage, chaque témoignage devient un jalon, une façon de laisser une trace avant que la mort ne frappe à son tour. Les collègues tombent presque quotidiennement, et la peur de devenir le prochain est omniprésente. « Ici, on ne meurt pas pour les années vécues, mais pour les récits que l’on partage », explique-t-elle.
Dans un bureau alimenté par des panneaux solaires, Maha observe ses collègues préparer leur matériel pour aller couvrir des événements dans le nord et le sud de Gaza. Chaque sac, rempli de vêtements et d’équipements essentiels, est pensé comme un refuge ambulant, capable de les soutenir face à la fermeture imprévisible des routes ou aux attaques soudaines. « On doit toujours être prêts », dit une reporter. « Notre sac n’est pas seulement un outil, c’est notre survie. »
Le ciblage des journalistes palestiniens par l’armée israélienne est systématique. Depuis octobre 2023, plus de 200 journalistes ont été tués. Certains ont été abattus sur le terrain, d’autres chez eux ou dans des camps de déplacés. L’objectif est clair : empêcher toute couverture médiatique indépendante et contrôler le récit de la guerre. Pour les journalistes, côtoyer un collègue peut être perçu comme un danger mortel.
Pourtant, même dans ce contexte de guerre, l’amour trouve sa place. Hala Asfour, 24 ans, raconte avec un humour teinté de tragédie son quotidien avec son fiancé journaliste : des instants de tendresse volés entre les reportages et les frappes aériennes. « Si rien ne nous sauve de la mort, que l’amour nous sauve au moins de la vie », confie-t-elle. Ces moments deviennent des actes de résistance, de petites rébellions face à l’ombre omniprésente de la violence.
À l’international, le silence des dirigeants occidentaux face à ces assassinats est dénoncé par les syndicats de journalistes. RSF et de nombreuses associations exigent un accès libre à Gaza pour les médias et la protection des journalistes palestiniens. La flottille humanitaire Global Sumud Flotilla, partie de Barcelone le 31 août, illustre cet engagement citoyen et la solidarité internationale. Vingt-cinq navires et des dizaines de militants de 44 pays tentent de briser le blocus, défiant les risques et l’opacité imposés par les autorités israéliennes.
Nasser Abu Baker, secrétaire général du Syndicat des journalistes palestiniens, rappelle : « Nos collègues sont ciblés parce qu’ils documentent la réalité. Leur protection doit devenir une priorité internationale. » Les appels à la solidarité se multiplient : chaque rassemblement, chaque initiative est un soutien moral et une pression pour que la communauté internationale agisse.
À Gaza, le journalisme n’est plus seulement une profession : c’est une bataille pour la vérité et la mémoire. Chaque reportage raconte la résistance des habitants et des journalistes face à la destruction. Maha Hussaini le sait : un jour, son histoire sera également racontée, mais pour l’instant, elle continue de courir contre le temps et la mort, pour que le monde sache ce qu’il se passe dans l’enclave palestinienne.