ActualitéEurope et Mondial

L’entente géostratégique Iran-Arabie Saoudite : une nouvelle prospective mondiale

La fin d’un siècle de bellicisme pétrolier et une chance inespérée pour la France.

 

Par Morad EL HATTAB

, géopolitologue,Président de

l’Alliance pour la France

(https://alliance-pour-la-france.net)

 

 

P I : Iran, Irak et ArabieSaoudite : Un siècle de divisions orchestrées du Moyen-orient par les Anglos-Américains.

P II : Chine, Russie, Iran et Arabie Saoudite : les conditions historiques d’un nouveau Moyen-Orient pacifié émergent

Conclusion : La France à la croisée des chemins, entre guerre civile et réintégration dans le Concert des Nations constructives ?

La visite du Prince héritier et Premier ministre Mohamed Ben Salmane en France mérite aujourd’hui d’être saluée. En effet, l’importance de son action en Arabie Saoudite est encore trop peu comprise en France, dans un contexte de redéfinition fondamentale des enjeux au Moyen-Orient depuis 2015.

Pourtant, la tentative du Président Macron visant à intégrer la France au sein des BRICS, est pour le moins maladroite, comme à peu près toutes ses initiatives diplomatiques récentes. Le Président Macron est en train d’user la légitimité française aux yeux du monde entier, mettant la France dans une position assez peu tenable.

Pourtant, des mouvements tectoniques d’une énorme importance se déroulent actuellement au Moyen-Orient. Avec spécialement, l’importance historique du rapprochement entre l’Arabie Saoudite et l’Iran.

Pour comprendre l’importance historique de ce rapprochement entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, une rétrospective s’avère sans doute nécessaire pour comprendre la façon dont ces deux pays, ainsi que l’Irak en tant que zone-tampon et État historiquement artificiel, ont chacun subi un grand nombre de manœuvres et de déstabilisations.

Ce n’est qu’en conservant cet arrière-plan historique à l’esprit que peut être comprise l’importance de cette évolution historique sous nos yeux.

P.I : Iran, Irak et Arabie Saoudite : Un siècle de divisions orchestrées du Moyen-Orient par les Anglo-Américains.

Au début de l’époque pétrolière, l’Empire britannique prend tardivement conscience la nécessité de convertir sa Royal Navy au pétrole. L’amiral Fisher en a pris conscience dès 1882, mais ce n’est qu’en 1913 que le pas est franchi, avec la mise en chantier des cuirassés de classe Queen Elizabeth alimenté au fioul[1]. Ceci sera déterminant dans la course britannique au pétrole du Moyen-Orient[2]. Alors que la Russie a engagé le mouvement dès 1887, justement pour ne plus être dépendante du charbon anglais en cas de conflit. Mais les Russes échoueront à protéger leur pétrole en 1902-1903, subissant une déstabilisation terrible à Bakou, qui nuisit durement à l’extraordinaire développement économique russe de l’époque.

C’est dans ce contexte que l’Iran va devenir le pays le plus stratégique pour l’Empire britannique, qui prit soudain conscience de sa vulnérabilité stratégique[3] : son immense domaine maritime, sur lequel régnait une Royal Navy marchant au charbon, était à peu près dépourvu d’hydrocarbures.

Or en Perse, dès 1901, Knox d’Arcy a obtenu des droits de prospection du Shah Mozzafar al-Din sur un territoire immense, là où des affleurements de naphte étaient connus depuis toujours. C’était une grande victoire britannique dans le « Grand jeu » qui l’opposait à l’époque à l’Empire russe, en Asie centrale[4]. Ce que les Britanniques ne comprennent pas immédiatement, car ce n’est qu’en 1907 qu’ils protègent militairement les prospecteurs. Du pétrole est découvert en 1908, à proximité d’un très ancien temple du feu, Sar-Majsed. L’Anglo-Persian Oil Company est fondée en 1909, commercialisant ses produits pétroliers sous le nom de British Petroleum (BP) à partir de 1916.

Ravir le pétrole du Moyen-Orient à l’Empire ottoman et à l’Empire allemand, sera l’un des buts principaux de la Première Guerre mondiale. Cette guerre menée contre l’Empire ottoman par les Britanniques au Moyen-Orient, perdura après-guerre, incluant des moyens de guerre asymétrique, subversive et y compris terroristes. Une guerre qui vise avant tout ses rivaux pétroliers : les rivaux pétroliers américains et surtout la France. La France, qui était tellement « tenue » par l’Empire britannique qu’elle ne planifia jamais sérieusement son indépendance pétrolière avant la présidence de Charles De Gaulle. Elle se retrouva donc à la merci des cartels anglo-américains, tandis que les pionniers français du pétrole étaient assassinés un à un (l’incorruptible gouverneur Renard, en 1935, ou Conrad Killian, découvreur des pétroles sahariens, en 1950[5]).

La naissance de l’Irak en tant qu’Etat artificiel en sera la conséquence, dans le cadre des marchandages d’après-guerre entre la France et le Royaume-Uni pour le partage du brut de Mésopotamie. Ce furent les accords Sykes-Picot (1915) : partageant la Mésopotamie entre la partie pétrolière à l’Est, aux Britanniques, et la partie syrienne à l’Ouest, à la France. Les Britanniques ayant par ailleurs soutenu l’établissement d’un foyer juif en Palestine, ce qui permit de gagner le soutien des 2 millions de Juifs vivants aux États-Unis (souvent des Juifs de l’Est de l’Europe favorable à la Révolution bolchevique), pour faire pression sur Washington afin d’entrer en guerre[6].

[1] Auzanneau, 2015 (122).

[2] Hauteclocque, 1930 & 1931.

[3] Auzanneau, 2015 (116).

[4] Auzanneau, 2015 (119).

[5] Fontaine, 1943 & 1959.

[6] Auzanneau, 2015 (157). Barr, 2012.

Officiellement, les Britanniques ne voulaient qu’aider les Arabes à devenir indépendants. Mais leur double jeu entre les Hachémites et les Saouds, est révélé par les Bolcheviques après octobre 1917. A peine l’Empire ottoman vaincu, les Britanniques reviennent sur leurs promesses, tant vis-à-vis des Arabes que des Français, afin de s’arroger l’exclusivité des ressources pétrolières irakiennes, leur but de guerre initial. Les Britanniques dupent facilement les Français, dont les décideurs sont « convaincus » en sous-main, échangeant le charbon de l’Alsace-Moselle contre l’or noir de Mésopotamie…

La France est exsangue après la Première Guerre mondiale et renonce à ses prétentions sur Mossoul, réclamant en contrepartie un accès au futur pétrole de Mésopotamie. Les Anglais déclenchent surtout des troubles indépendantistes en Syrie, qui forcent la France à se soumettre[1], tandis que le commissionnaire de l’Empire britannique en Mésopotamie, Arnold Wilson, humilie publiquement les Arabes en Irak : le pétrole de Mésopotamie ne saurait être que le butin exclusif de l’Empire britannique. Londres arrange les choses et cédera finalement la part allemande des pétroles de Mésopotamie à la France, que la France devra plus tard partager. Les accords de San Remo prévoient 20 % des futurs bénéfices pétroliers aux Mésopotamiens, promesse vit oubliée…

Un soulèvement de 100.000 combattants arabes de Mésopotamie contre l’Empire britannique est la conséquence de ce partage léonin faisant litière des engagements pris. Tribus chiites et sunnites sont alliées contre l’Empire britannique qui emploie les grands moyens, Winston Churchill autorisant le recours au gaz moutarde contre les « indigènes récalcitrants », affirmant qu’il ne comprenait pas cette « émotivité autour de l’utilisation du gaz » : « je suis fortement favorable à l’utilisation du gaz contre des tribus non civilisées »[2], y compris contre des populations civiles. L’insurrection est en effet matée en mars 1921.

À Londres, cette guerre pour l’or noir de Mésopotamie n’est aucunement remise en question. Seule sa rentabilité fait débat. Raison pour laquelle la solution la moins coûteuse est adoptée : donner un pays et un roi aux habitants de la Mésopotamie, tant que l’Empire britannique conserve le contrôle du pétrole. Les frontières et les institutions de l’Irak sont dessinées au cours d’un colloque qui a lieu au Caire (mars 1921), sous l’égide de Winston Churchill et en présence de T.E. Lawrence (« d’Arabie », qui sera plus tard assassiné discrètement pour avoir dénoncé cette mauvaise foi britannique). 40 experts britanniques du Moyen-Orient sont rassemblés, aussitôt surnommé les « 40 voleurs » au grand amusement de Churchill, dans un simulacre de négociation dont les résultats principaux sont déjà arrêtés préalablement. Un seul « Irakien » est présent à la naissance de l’Irak : Jafar Pacha, un général de l’émir Fayçal. Cet émir à qui les Britanniques avaient promis Damas, mais chassé par les Français après des troubles en réalité commandités par les Britanniques, afin de « convaincre » les Français de lâcher les pétroles de Mossoul… Les Anglais lui offrent donc en « compensation » ce trône de Bagdad. Pragmatiquement, Churchill dira à Lloyd George que ce « Fayçal offre l’espoir de la meilleure et de la moins chère des solutions »[3].

Les Britanniques écrasent d’autres rébellions, notamment celles des Kurdes Irakiens, qui se voient refuser leur autodétermination malgré les engagements du Traité de Sèvres (août 1920). Ces Kurdes resteront jusqu’à notre époque des relais des influences extérieures contre l’Irak : sans cesse « activés » pour des opérations terroristes contre la Turquie, l’Irak ou l’Iran, toujours mis en danger, toujours lâchés au dernier moment par leurs aimables « parrains » anglos-américanos-israéliens[4]

[1] Wailly, 2012. Rochard, 1941. Fontaine, 1957.

[2] “Churchill to Trenchard” 29/8/1920. Churchill Archive Center. War Office Minute, 12/5/1919. Cité dans Martin GILBERT & Randolph S. CHURCHILL : Winston S. Churchill ; The Official Biography. Ed. Heinemann, 1976, companion volume 4, p.1.

[3] BARR, 2012 (122).

[4] Baer, 2002.

Ainsi, « de par sa conception, l’Irak est une nation divisée, presque une chimère de Nation, inventée afin de permettre aux Anglais de régner paisiblement sur les sous-sols compris à l’intérieur de ses frontières dessinées ailleurs »[1]. L’accord dit de la « Ligne rouge » (31 juillet 1928), scellera le partage anglo-américain du pétrole du Moyen-Orient, avec un strapontin pour la France qui se fit tordre le bras. Sa Compagnie Française des Pétroles (future Total), aura désormais partie liée avec les Britanniques, y compris contre les États-Unis et surtout contre les intérêts français dans d’autres affaires[2].

Les Britanniques mettent pareillement en place l’Arabie Saoudite en 1932, jouant dès cette époque un jeu trouble face au terrorisme djihadiste fanatique pseudo-musulmans que les Britanniques façonnent et instrumentalisent eux-mêmes.

L’alliance d’opportunité entre le futur Roi Ibn Saoud et les Ikhwan, une confrérie fanatique qui fut utile dans les combats malgré sa cruauté proverbiale, trouve sa limite lorsqu’il s’agit de s’entendre pour gouverner. Ibn Saoud parvient à la soumettre définitivement lors de la bataille décisive de Sabilla (29 mars 1929). Mais dans le même temps, les Britanniques qui multiplient l’activisme antifrançais (et anti-américain) par des procédés révoltants, jouent un double jeu en formant des terroristes (que l’on n’appelait pas encore djihadistes), pour les envoyer contre l’Empire colonial français : en Syrie, puis plus tard en Afrique du Nord[3]. Cet encouragement du fanatisme, par les Britanniques puis plus tard par les Anglos-américanos-israéliens, permettra de conserver toujours une certaine docilité de l’Arabie, sans cesse menacée d’être débordée par des extrémistes artificiellement encouragés en sous-main.

L’ironie étant que plus tard, Saint John Philby (père du futur transfuge prosoviétique Kim Philby), écœuré par les intrigues et magouilles de l’Empire britannique, se convertit à l’islam et devint le conseiller personnel du roi Ibn Saoud. C’est lui qui livra le pétrole l’Arabie Saoudite aux prospecteurs pétroliers américains (1933) : une opportunité refusée par les Français, qui refusaient de prendre le risque de rompre l’accord de la Ligne rouge (ce qui ne leur aurait pas été pardonné, alors que les États-Unis pouvaient se permettre), ce qui bénéficie aux Californiens de la SoCal (Standard Oil of California), laquelle y fait jaillir le pétrole en 1938.

Il y aura une lutte d’influences peu connue durant la Seconde Guerre mondiale, autour des pétroles du Moyen-Orient. Alors qu’Hitler avait été influencé durant la rédaction de Mein Kampf en vue de récupérer les pétroles soviétiques de Bakou pour le compte des Britanniques[4], l’Allemagne pensa trop mollement au pétrole de Mésopotamie et d’Iran sans s’en donner les moyens, alors qu’ils auraient été bien plus faciles d’accès que les pétroles soviétiques. Elle soutint une rébellion irakienne, initialement spontanée, avec l’appui des Français vichystes depuis la Syrie, rendant la monnaie de leur pièce aux Britanniques après moult déstabilisations antifrançaises. Mais l’Allemagne ayant renoncé à bloquer Gibraltar depuis 1940, le Moyen-Orient restait un morceau trop lointain pour l’Axe, et trop bien défendu sur mer par la Royal Navy. La rébellion irakienne est matée par les britanniques, la Syrie du Mandat français est conquise à son tour.

Après la Seconde Guerre mondiale, les Américains se présentent comme des anti-impérialistes contre les empires coloniaux français et britannique. Hypocrisie qui leur permet de mettre en place en réalité un impérialisme pétrolier « privé », bien plus implacable.

Ce sera le pacte « du Quincy » (1945) : F.D. Roosevelt veut avant tout le pétrole saoudien, le Roi Ibn Saoud se plaignant de l’inflexibilité britannique et voulant mettre un terme à l’immigration juive en Palestine, sinon un conflit y sera inévitable. Roosevelt s’en sort avec deux vagues promesses : la consultation préalable des Arabes au sujet de la politique étrangère américaine en Palestine, et l’engagement à ne pas être hostile envers les Arabes. Ibn Saoud peut enfin se libérer des Britanniques au grand dam de Churchill, c’est ainsi que les États-Unis s’arrogent le contrôle de la zone étrangère la plus intéressante pour eux durant le XXe siècle : c’est la mise en coupe réglée de la production pétrolière moyen-orientale, à dominante cette fois américaine[5].

[1] Auzanneau, 2015 (164).

[2] Fontaine, 1959 & 1969.

[3] Hauteclocque, 1930.

[4] Zischka, 1934.

[5] Auzanneau, 2015 (258).

L’Empire britannique conserve cependant encore sa dernière pièce maîtresse : l’ancienne Perse devenue l’Iran (1935), la source énergétique de la puissance britannique[1], les seuls champs pétroliers demeurant sous le contrôle exclusif des Britanniques. Mais plus pour longtemps. L’Iran est alors le troisième producteur mondial, premier du Moyen-Orient. Mais le ressentiment et la crainte que nourrissent les Iraniens à l’égard de l’Empire britannique sont énormes.

En Perse, l’Anglo-Persian Oil Company s’est retrouvée face à un roi autoritaire et très déterminé : Reza Shah, arrivé au pouvoir en 1925 et fondateur de la dynastie des Pahlavi. Préoccupé par les magouilles des compagnies pétrolières anglo-américaines qui s’entendent pour brider la production moyen-orientale, spécialement iranienne (ce qu’ils feront régulièrement dans les décennies suivantes), il menace d’annuler la concession britannique en 1932. Les Britanniques parviennent à le ramener à plus de mesure, en échange d’une part modeste des profits (20% des dividendes, sous condition)[2].

Lorsqu’en 1941, le même Shah d’Iran Reza Pahlavi, refuse d’expulser les milliers d’Allemands auquel il a accordé des postes-clés, Londres et Moscou décident d’envahir l’Iran, afin de protéger d’une part les installations pétrolières (au Sud pour les Britanniques), et d’autre part de garantir l’approvisionnement américain de l’Union soviétique au nord via l’Iran. Les Anglo-Américains vont encourager la Russie soviétique à faire ce que les Bolcheviks ont déjà fait contre le peuple russe (grâce au soutien de Wall Street…) : réquisitionnant les récoltes du nord iranien et provoquant des famines terribles. Reza Shah est forcé à l’exil en Afrique du Sud, où il meurt en 1944.

Reza Shah est contraint d’abdiquer en faveur de son fils, plus influençable car âgé de seulement 16 ans, Mohamed Reza Pahlavi[3]. Devenu Shah, Mohamed Reza Pahlavi restera toute sa vie hanté par la crainte des manœuvres des Services britanniques. Sans doute aussi par la honte d’avoir servi tant et plus de marionnettes aux Anglo-Américains. Le Shah dira plus tard : « Nous regardions l’Anglo-Persian Oil Company installer des pantins – des gens qui se contentaient de claquer les talons aux ordres de la compagnie – elle devenait pour nous une sorte de monstre, presque une sorte de gouvernement au sein du gouvernement iranien »[4].

C’est dans ce contexte que les dizaines de milliers d’ouvriers iraniens du pétrole travaillent dans des conditions lamentables pour engraisser la Couronne britannique, suscitant un nationalisme iranien légitime. Or, Churchill a promis en 1943 (conférence de Téhéran) de rétablir la souveraineté de l’Iran après la guerre. Sauf qu’un éditorial du Times de Londres (4 novembre 1944) proposait finalement le partage de l’Iran après-guerre entre le Royaume-Uni, la Russie et les États-Unis… Cet éditorial est brandi un mois plus tard par Mohammad Mossadegh, député nationaliste courageux, à l’appui d’une proposition de loi visant à prohiber toute négociation pétrolière future avec des puissances étrangères… Ce sera le début d’un bras-de-fer, encouragé par des avancées obtenues par le Venezuela et l’Arabie Saoudite (partage des bénéfices à 50/50, officiellement tout du moins). Un bras-de-fer qui se terminera par un long embargo britannique et par l’éviction de Mossadegh, mais aussi par l’entrée des pétroliers américains ayant monnayé ainsi leur soutien de la CIA au renversement de Mossadegh (Opération « Ajax »). Ce fut la « seconde mort » de l’Empire britannique après le démantèlement des Indes britanniques, sans doute la plus décisive[5].

[1] Auzanneau, 2015 (283).

[2] Auzanneau, 2015 (192).

[3] Auzanneau, 2015 (233).

[4] Auzanneau, 2015 (284). Citant Sampson, 1975 (117).

[5] Auzanneau, 2015 (287).

En Irak, en 1958, les Britanniques procèdent à une apparence de « Printemps Arabes » avant l’heure, qui n’est en fait qu’un discret « changement de personnel gouvernemental »[1]. Leur créature usée, le roi Farouk est remplacée par le général Kassem au gré d’un coup d’État instrumentalisant le fanatisme religieux pour cibler les nationalistes et syndicalistes lettrés. Kassem est lui-même exécuté en 1963 à la suite d’un coup d’État mené par Saddam Hussein, après que la CIA eut tout tenté pour évincer Kassem autrement, notamment par l’assassinat (dès 1959, déjà par la CIA derrière Saddam Hussein). Le parti Baas de Saddam Hussein le remplace, protégé des États-Unis car anticommuniste. En réalité, Kassem a signé son arrêt de mort le 11 décembre 1961, lorsqu’il confisqua de fait la quasi-totalité des concessions pétrolières occidentales. Le business américain reprendra juste après le coup d’État de 1963, damnant le pion aux Britanniques au passage.

C’est en Iran, après la chute de Mossadegh, que les Majors anglo-américaines du cartel Big Oil atteignent l’apogée de leur puissance : en mettant en place la « forme la plus aboutie et la plus subtile de la cartellisation de la production de brut »[2]. De cette époque date l’empire caché des « Sept sœurs », au détriment des pays producteurs de pétrole.

Le Shah d’Iran lui-même ignore l’existence de ces arrangements secrets jusqu’aux révélations d’une enquête retentissante du Sénat américain en 1974. Le bridage de la production iranienne était monnaie courante, au détriment du seul gouvernement iranien. Les compagnies pétrolières occidentales synchronisaient les productions iraniennes, irakiennes et saoudiennes, l’Iran et l’Irak servant de variable d’ajustement durant des décennies.

En Arabie, l’impérialisme « privé » américain permet au gouvernement américain de prétendre qu’il n’est pas derrière ces compagnies pétrolières privées. Ce qui permet donc aux compagnies de faire des affaires pétrolières avec les Arabes, tandis que le gouvernement américain peut soutenir Israël au gré d’une duplicité consommée. Relation hypocrite qui n’empêche pas les États-Unis de faire pression pour évincer des diplomates ou des ministres saoudiens trop entreprenants, comme le ministre des finances Abdallah Suleyman (1951-1952).

C’est aussi l’époque où les États-Unis bâtissent toutes les infrastructures de l’Arabie Saoudite, au nom d’une convergence d’intérêts entre Washington, Big Oil et la Couronne saoudienne. Bechtel, la firme qui fut le partenaire industriel quasiment exclusif du développement de l’Aramco, agit en lien avec la première compagnie saoudienne de construction, le Groupe Ben Laden, ce qui posa certaines questions après les attentats du 11 septembre 2001, du moins selon la version officielle…

Les États-Unis sont aux petits soins et sont libres d’investir sans limite en Arabie. Cependant, c’est à la même époque que les réseaux Américains s’activent surtout pour promouvoir le djihadisme depuis l’Arabie Saoudite, avec des ramifications tentaculaires dans le monde musulman et même en Occident. Ceci rendant toujours possible une mise sous pression ou même un potentiel renversement des Saoud bien réel grâce à ces fanatiques, au cas où l’Arabie Saoudite menacerait de sortir de sa situation d’otage de fait. Comme à l’époque de l’assassinat du roi Fayçal (1975)[3].

En effet, ce contrôle occulte de l’Arabie devient plus pesant à partir de la crise pétrolière de 1973. Une crise en réalité artificielle, qui permet de blâmer les Arabes tout en sauvant le dollar grâce au pétrole saoudien, moyennant des accords financiers bien peu connus dont j’ai parlé dans un article précédent[4].

[1] Pierre ROSSI, Politique étrangère N° 1 – 1961 – 26e année pp. 63-70.

[2] Auzanneau, 2015 (315).

[3] « Guerre en Ukraine et conséquences historiques sur l’ordre financier mondial : La libération financière de l’Arabie saoudite grâce au réalisme de Mohammed ben Salmane » Morad el Hattab, RI/CVR, 7/7/22. « Le virage historique réussi du prince héritier Mohammed ben Salmane ». Entretien de Morad EL HATTAB par Khaled Saad ZAGHLOUL, CVR, 27/5/2022. Saker Francophone, 14/8/2022. Engdahl, 2018.

[4] « Guerre en Ukraine et conséquences historiques sur l’ordre financier mondial : La libération financière de l’Arabie saoudite grâce au réalisme de Mohammed ben Salmane » Morad el Hattab, RI/CVR, 7/7/22.

La création de l’OPEP, en 1960 à Bagdad, eut lieu lorsque ce monopole cartellisé des compagnies pétrolières occidentales se fissura face à la surproduction pétrolière et au jeu de trouble-fête que joue l’URSS face au cartel. L’OPEP est créée par une prise de conscience de ses deux inspirateurs, les ministres vénézuélien et saoudien du pétrole, Juan Pablo Perez et Abdullah al-Tariki, de la richesse épuisable des peuples des pays pétroliers, qui leur échappe.

Tariki sera évincé (1962) après avoir pointé la corruption et le népotisme en Arabie auquel pousse l’influence des compagnies anglo-américaines. Perez, qui est avant tout un écologiste, est poussé à la démission en 1963. Il remarque lui, comme tous les initiés du pétrole, l’effet débilitant de l’argent du pétrole et surtout de la corruption pétrolière, et ses conséquences : la paresse, l’inconséquence, le consumérisme et le gâchis[1].

À cette époque, Big Oil peut secrètement faire front commun face à des membres de l’OPEP handicapé par les vieilles divisions des pays arabes, souvent héritée du découpage des frontières par l’Empire britannique. Par exemple en 1961, quand l’Irak du général Kassem est proche de décider d’envahir le Koweït[2] : un autre Etat artificiel historiquement créé par les Britanniques pour empêcher le BagdadBahn allemand de déboucher sur le Golfe persique et de menacer les Indes britanniques. Le gigantesque gisement de Rumaila entre l’Irak et le Koweït, joyau du Trésor pétrolier de l’Irak, sera de nouveau l’objet d’une mortelle discorde (incluant des « forages obliques ») provoquée par les États-Unis en 1991 pour justifier la guerre du golfe et soumettre l’Irak une nouvelle fois[3].

Dans ce contexte, tous les prétextes sont bons pour brider la production pétrolière de l’Irak et de l’Iran, constante dans la stratégie des pétroliers américains au Moyen-Orient. L’Arabie Saoudite jouit d’un favoritisme réel face à l’Iran, mais les Américains jouent sur l’état d’esprit des uns comme des autres afin d’entretenir une certaine discorde dans la région. L’Arabie comme l’Iran sont chacun persuadés que les Américains favorisent l’autre partie, même si l’Arabie est réellement favorisée. Le Shah d’Iran met la pression sur les Américains à partir de 1966, pour financer son très ambitieux programme d’investissement militaires, industriels et culturels.

Ce sont les Français qui ont signalé au Shah ces ententes occultes visant à brider la production, et les pénalités prévues pour « sur-pompage ». Une violente dispute éclate dans les coulisses du monde pétrolier, certains agents français seront même assassinés. C’était aussi l’époque où l’Iran voulut se libérer de la tutelle pétrolière anglo-américaine grâce au nucléaire franco-allemand. Ce sujet du nucléaire iranien perdurant jusqu’à nos jours…

P.II : Chine, Russie, Iran et Arabie Saoudite : les conditions historiques d’un nouveau Moyen-Orient pacifié émergent

                                 

L’Iran a été en première ligne de toutes les déstabilisations pétrolières depuis plus d’un siècle, incluant ces déstabilisations à l’ère nucléaire qui avaient en réalité le même but : que l’Iran se satisfasse de sa situation de vache à lait, soumise aux cartels anglo-américains. Ces déstabilisations de l’Iran sont allées croissantes jusqu’à la Révolution de 1979, et c’est toute l’Histoire du Moyen-Orient qui doit être réunifiée pour en comprendre l’articulation cohérente.

[1] Auzanneau, 2015 (395).

[2] Auzanneau, 2015 (392).

[3] Auzanneau, 2015 (386). Engdahl, 2007.

Le Shah d’Iran a été usé jusqu’à la corde par les mondialistes du Bilderberg, qui avaient ourdi la crise pétrolière de 1973, puis les grandes manœuvres de 1973–1975, puis aidé au nouveau choc pétrolier de la Révolution iranienne et ourdi les grands chocs monétaires de l’ère Thatcher-Volcker.

Le but global de ces manœuvres des années 1970, était un bridage général du développement des pays émergents, à partir de l’arme pétrolière mais également de l’arme financière. Un assassinat économique à l’échelle du globe. Ce type d’assassinat économique qui fut plus tard détaillé par l’initié John Perkins : racontant comment l’endettement des pays émergents était encouragé, puis soudainement rehaussé jusqu’à un niveau insoutenable par un simple jeu financier sur les taux, aboutissant à mettre en banqueroute de nombreux pays jusqu’alors parfaitement viables[1].

L’Iran devenu révolutionnaire, fut la cible de nombreuses manœuvres bien peu avouables de la part de l’État profond américain, aboutissant à l’éviction du Président Carter, qui avait eu le tort de forcer Israël à rendre une partie du Sinaï occupé depuis 1967. L’Iran khomeyniste fut ensuite érigé en tant que nouveau « grand ennemi » des États-Unis et d’Israël au Moyen-Orient, tandis qu’une guerre sans fin était organisée entre l’Iran et l’Irak (1980-1988). Le scandale Iran-Contras ayant entre-temps mis en évidence l’ampleur du double jeu anglo-américano-israélien, visant à épuiser chacun le plus possible (comme la France et l’Allemagne ou l’Allemagne et la Russie auparavant…). Ce genre de guerre est conçu pour semer des haines durant des générations[2].

De multiples déstabilisations se sont rajoutées contre l’Iran, afin de servir un narratif dans lequel l’Iran avait nécessairement le mauvais rôle. Ces manipulations incluaient la création artificielle de groupes terroristes, documentée aujourd’hui grâce à une alliance anglo-américaine qui est en fait une rivalité : rivalité qui aboutit à ce que les journaux britanniques révèlent les manipulations américaines, et vice versa. On sait ainsi aujourd’hui combien le terrorisme contre l’Iran a été en grande partie fabriqué depuis le 11 septembre 2001[3].

Par exemple, l’Iran accusa en 2009 les États-Unis, la Grande-Bretagne et le Pakistan d’avoir joué un rôle dans des attentats terroristes commis en Iran par des groupes affilés à Al-Qaida. Notamment un attentat suicide qui avait tué cinq commandants supérieurs et 37 autres Gardes de la Révolution à Zahedan (28 mai 2009). Le Président iranien Mahmoud Ahmadinejad exigea l’arrestation d’un groupe terroriste qui se cachait au Pakistan : un groupe de rebelles sunnites qui menait une insurrection dans le sud-est de l’Iran contre la persécution de l’ethnie baloutche, et qui revendiqua cette attaque depuis un site Internet islamiste publiant habituellement des déclarations d’Al-Qaïda. Le général Mohammad Ali Jafari, chef des Gardiens de la Révolution déclara que ce groupe rebelle sunnite (Jundallah – « Soldats de Dieu »), était « traité » par les Services de Renseignement américains, britanniques et pakistanais et opérait avec leur soutien et sous leurs ordres[4]. D’autres attentats eurent lieu la même année contre Iran, et régulièrement depuis lors, ainsi que des frappes aériennes discrètes[5], dans le contexte de la guerre menée par Israël contre le potentiel nucléaire iranien. L’Iran accusant en retour les Américanos-israéliens de « double standards » (« deux poids, deux mesures ») lorsqu’ils promouvaient le nucléaire en Inde[6], et mettant en évidence le fait que ces intérêts étrangers ourdissaient également le démembrement du Pakistan (ce qui était le but occulte de leur « guerre des drones » menée discrètement sous Obama).

[1] Perkins, 2005 & 2008. Engdahl, 2007.

[2] Scott, 2015.

[3] Tarpley, 2006.

[4] « Iran accuses West of links to deadly bombing” CBC/AP 19/10/2009.

[5] “Iran blames West for pre-election bombings” Irish Time, 1/6/2009. « Israel appears to have been behind drone strike on Iran factory, U.S. official says » Reuters 29/1/23. « Iranian nuclear scientist killed in motorbike attack » 29/11/2010.

[6] « Iran accuses U.S. of double standards », Reuters 2/8/2008.

Ce démembrement de l’Iran et du Pakistan était une intention bien réelle dans le cadre, à l’époque, du « projet pour un Moyen-Orient élargi [Greater Middle East project] » de la Fondation Carnegie « pour la paix » [Carnegie Endowment for International Peace] de mars 2004. Présenté en juin 2004 dans le cadre de travaux préparatoires du G8, puis en juin 2006 par la Secrétaire d’État de l’époque, Condoleezza Rice, comme étant la « vision du futur » de la deuxième Administration américaine du Président Bush Jr. Les États-Unis et leurs alliés voulaient démembrer et remodeler l’intégralité du monde arabe musulman jusqu’en Asie centrale, afin toujours de diviser pour mieux régner en orchestrant des conflits tribaux et religieux sans fin[1]. Il était notoire en ce sens que des groupes terroristes internationaux comme Al Qaïda, ou plus récemment l’État islamique[2], agissaient en réalité comme la « légion arabe de la CIA »[3].

Le but latent de cette explosion de Zahedan (28 mai 2009), survenue durant la prière du matin, avait à l’époque un triple but, à trois niveaux : créer une guerre religieuse entre sunnites et chiites au sud-est de l’Iran[4], tandis que le but stratégique était de gêner les approvisionnements chinois en pétrole, tout en morcelant la région tout entière, pour la voir demeurer captive des intérêts anglos-américanos-israéliens, économiques, pétroliers et sécuritaires[5]. Ceci, par l’utilisation de méthodes de « gangs » et « contre-gangs », méthodes britanniques de Contre-insurrection britannique et de « guerre spéciale », notamment appliquées par les Britanniques en Irlande[6] : mettant artificiellement en place un conflit religieux entre catholiques et protestants, pour faire oublier que les Britanniques étaient une armée d’invasion, au regard du Droit international.

Ces méthodes furent reprises par les Anglos-américains (et les Israéliens discrètement en arrière-plan) en Irak[7], comme dans toute l’Asie centrale[8]… Un certain nombre de révélations sont venues aussi de la part de lanceurs d’alerte du Renseignement américain ou de l’Armée américaine, opposés à certaines stratégies américano-israéliennes hautement bellicistes et dangereuses pour les États-Unis à terme. Comme Robert Baer[9], ou le Lt.-Col. Anthony Shaeffer (au sujet de la guerre d’Afghanistan[10] ou de l’affaire de Benghazi en septembre 2012[11]) à l’époque où Israël voulait mobiliser les États-Unis pour attaquer l’Iran. Ou bien par certains milieux juifs américains lucides, eux aussi opposés à ces intrigues dangereuses au contraire de certaines sources favorables à l’État profond aux États-Unis, ou aux pires intérêts israéliens, tentant de démentir ces révélations sourcées par des initiés de haut niveau[12]… Steve Pieczenik en est certainement le meilleur exemple (issu du Renseignement militaire et de la Diplomatie), contre le 11 septembre 2001 et Benghazi à la même époque[13]. Seymour Hersh[14] est un autre célèbre journaliste régulièrement utilisé comme « porteur » de ces informations.

[1] « PressTV – US seeks to export Afghan war to split Pakistan: Webster Tarpley » 15/4/2013. « US seeks to divide Pakistan through drones, Afghan war: Analyst » Islam.Ru. Hillard, 2007. Article Wikipedia : « Greater Middle East ».

[2] Engdahl, 2018 (II). Elsässer, 2008. Johnson, 2011. Baer, 2002. Pieczenik, 2014 & 2015 et blogs. « Sur l’État islamique en Syrie et un colonel israélien pris le pantalon sur les chevilles avec l’État islamique. » F. William Engdahl, 25/11/2015.

[3] Griffin Tarpley, Webster. “Al Qaeda Is CIA Arab Legion”. Russia today. Youtube. 7/1/2010.

[4] Voir Wikipedia : “Jundullah”, “Jundullah (Iran)”, « 2009 Zahedan bombing » (en anglais).

[5] Engdahl, 2018. Brzezinski, 1997.

[6] Faligot, 1980. « De l’IRA à l’Irak : transferts d’expérience contre-insurrectionnelle au sein de l’armée britannique » Élie Tenenbaum, Les Champs de Mars 2009/1 (N° 20), p. 131.

[7]« Official: British troops freed in jailbreak » (CNN World, 20 septembre 2005). « So what were two undercover British soldiers up to in Basra? » (The Independent, 25 septembre 2005). « Qui sont les terroristes en Irak : Deux officiers britanniques déguisés en terroristes Al Qaïda » (Michel Chossudovsky, Mondialisation.ca, 22 janvier 2006). « En Irak, l’armée utilise des détecteurs d’explosifs à l’inutilité avérée » (Le Point/AFP, 24/08/2012) ; « Grande-Bretagne: condamnation pour l’escroc aux faux détecteurs de bombes » (RFI, 03-05-2013).  « Death of a British Officer in Iraq – Captain Ken Masters », Ministère de la Défense du Royaume-Uni, 15/10/2005. Knight-Jadczick & Quinn, 2008.

[8] « Révélations sur les opérations secrètes américaines en Iran » Le Monde / Reuters, 29/6/2008.

[9] Baer, 2002.

[10] Shaeffer, 2011.

[11] « MidPoint | Lt. Col. Tony Shaffer to discuss Benghazi” Newsmax, 16/9/2014. « LTC Colonel Anthony Shaffer Exposes the Criminals Behind 911 and Benghazi” Infowars / LibertasIntel, 11/9/2014.

[12] « More on the ABC Debat Affair: Annotating ABC’s Jundullah Report » Monika Bauerlein, Mother Jones, 15/9/2007.

[13] « Dr. Steve Pieczenik chez Alex Jones, sur Benghazi, Israël, le 11 septembre 2001, Netanyahou, l’AIPAC, le Sionisme. » S. Pieczenik, Infowars, VF : CVR : 16/9/2012. « Vendredi 21 septembre 2012 : un jour de honte. » S. Pieczenik, VF : CVR, 21/9/2012. Pieczenik, 2014, 2015, 2019 & Blogs.

[14] « Seymour Hersh : Propaganda Used Ahead of Iraq War Is Now Being Reused over Iran’s Nuke Program », Democracy Now ! 21/11/2011. VF : “Seymour Hersh : Réactivation contre le programme nucléaire de l’Iran de la propagande qui précéda la guerre contre l’Irak » Amy Goodman, Seymour Hersh, La Revue des Ressources, 26/11/2011.

Pourtant, le vieux fond civilisationnel et la grande intelligence diplomatique réputée des diplomates iraniens, a rendu possible une épreuve de force dans laquelle l’Iran a eu un rôle crucial, rejointe un peu plus tard par l’Arabie Saoudite du Prince héritier Mohammed ben Salmane.

À l’époque d’Obama, les initiés ont remarqué combien les États-Unis commettaient leur habituelle erreur consistant à sous-estimer l’intelligence iranienne : en se livrant à leur habituelle diplomatie grossière consistant à sans cesse menacer l’interlocuteur à « convaincre », dans des démonstrations de force qui ne peuvent que susciter le ressentiment à plus long terme.

La fâcheuse habitude des États-Unis, mais en réalité de la finance internationaliste de Wall Street, consistant à agonir un pays cible de sanctions jusqu’à le plonger plus bas que terre, pour ensuite faire mine d’apporter une solution lorsque le pays cible s’est soumis, trouva ses limites face à l’intelligence iranienne.

À partir de 2015, l’Iran et la Russie ont chacun mis en place l’ébauche d’un nouveau système de vente de pétrole à l’export en se passant du système de transactions financières SWIFT [Society for Worldwide Interbank Financial Telecomunication »], et à terme, du dollar. Ceci, la même année, 2015, durant laquelle commença l’action synchronisée de la Russie avec l’Iran, pour bouter l’État islamique hors de Syrie. Ce faisant, c’était toute une stratégie de manipulation anglo-américano-israélienne au Moyen-Orient qui allait s’effondrer, la diplomatie n’allant au final que traduire le sort des armes.

En effet, à l’été 2015, les États-Unis d’Obama acceptèrent de lever les sanctions contre l’Iran. A certaines conditions, prétendument liées aux garanties iraniennes apportées par l’Iran au suivi international par l’AIEA de son programme de réacteurs nucléaires…

La plus brutale de ces sanctions avait été mise au point par le très agressif Bureau du Renseignement Terroriste et Financier [Office of Terrorism and Financial Intelligence – TFI] émanant du Département américain du Trésor. Elles furent ensuite imposées à l’Union Européenne sous la pression de Washington. Et parmi d’autres mesures, ils en imposèrent une sans précédent dans le monde : la cessation de l’accès pour toutes les banques iraniennes du système de paiement interbancaire SWIFT, pour les ventes de son pétrole ou le commerce avec les marchés mondiaux[1]. L’UE fut également contrainte d’imposer un embargo sur le pétrole iranien, et de geler les avoirs de la Banque centrale iranienne à l’étranger. La devise iranienne s’effondra alors rapidement de 80 % face au dollar, l’inflation iranienne sur les produits vitaux s’envola, ses exportations pétrolières étant soudain réduites de moitié[2].

En janvier 2016, suite à un rapport favorable de l’AIEA, les institutions financières iraniennes étaient réadmises dans le système SWIFT. Mais l’Administration Obama maintenait la pression pour

[1] “Sanctioned Iran Banks Being Cut Off From Global Network”, Bloomberg, 16/3/2012

[2] Ladane Nasseri, Iran Won’t Yield to Pressure on Nuclear Plans Minister Says, 12/2/2012.

En janvier 2016, suite à un rapport favorable de l’AIEA, les institutions financières iraniennes étaient réadmises dans le système SWIFT. Mais l’Administration Obama maintenait la pression pour des raisons obscures, évoquant un « soutien iranien au terrorisme, les abus en matière de droit de l’homme, et les activités missilières qui continuent leur renforcement de fait »[1].

Sauf que, plutôt que de se soumettre à des années de guerre économique agressive menée par les États-Unis contre l’Iran depuis des décennies, l’Iran suivit ses propres intérêts nationaux en faisant un pas majeur vers la dé-dollarisation. « Aucun doute que les partisans d’une ligne dure à Washington, et leurs alliés en Arabie Saoudite et à Tel-Aviv, vont appeler cela de l’ingratitude. J’appelle ça de l’autonomie, le fait pour l’Iran de poursuivre ses intérêts nationaux souverains »[2].

Le 5 février 2015, le média d’État iranien Press-TV rapportait les paroles d’un officiel de la Compagnie Pétrolière Nationale Iranienne [National Iranian Oil Company – NIOC] annonçant que l’Iran n’accepterait plus pour son pétrole que des paiements en euros et non plus en dollars. Cette règle s’appliquerait pour les accords nouvellement signés avec le géant français de l’énergie Total, le raffineur espagnol Cepsa et le russe Lukoil[3].

Cette décision était à rapprocher de plusieurs autres manœuvres allant dans le même sens d’une dé-dollarisation, impliquant spécialement la Russie et la Chine, visant à libeller leurs commerces énergétiques bilatéraux en devises nationales (rouble et renmimbi). La Russie commença à libeller ses exportations de pétrole brut sur le marché de Saint-Pétersbourg [St Petersburg Mercantile Exchange] en roubles et non plus en dollars, créant un nouveau baril de référence de l’Oural libellé en roubles, afin de remplacer ses équivalents anglo-saxons (le WTI à New York et le Brent à Londres).

Ces grandes manœuvres qui devinrent notable à partir de 2015, parallèlement au reflux des déstabilisations bellicistes anglos-américanos-israéliens au Moyen-Orient, portaient en germe la fin du pétrodollar et la fin du dollar tout court. Donc la fin des grandes manœuvres déstabilisatrices et belliciste occidentale, basées précisément sur le dollar. En ce sens, l’Iran a rebattu les cartes au Moyen-Orient, évolution parachevée avec l’arrivée au pouvoir du nouveau Président iranien Ebrahim Raïssi[4].

La nouveauté, depuis l’ère Trump, fut que l’Arabie Saoudite put elle aussi commencer progressivement à sortir de sa situation d’otages de ces grandes manœuvres mondialistes, qui étaient devenue évidente sous le Président Obama. Ce point concernant l’Arabie Saoudite et sa libération financière historique, sous l’égide du Prince héritier Mohammed ben Salmane, déjà développé dans un autre article séparé[5].

Le second sujet était d’une aussi grande importance : la mise en échec des guerres artificielles du Moyen-Orient. En effet, les guerres de Syrie et du Yémen furent la conséquence de cette situation d’otage : des guerres hasardeuses pour le pétrole et pour détruire le dernier ennemi d’Israël avant l’Iran. Des guerres menées tantôt par des supplétifs, tantôt par l’entremise d’armées mercenaires et terroristes (en premier lieu desquelles le soi-disant « État islamique »), afin dans les deux cas de camoufler les intérêts anglos-américanos-israéliens derrière ces guerres. En réalité, le risque était grand qu’à terme, l’Arabie Saoudite soit elle aussi emportée par cet extrémisme historiquement conceptualisé et promu par les Anglos-Américanos-Israéliens, manipulant à l’envi leurs supplétifs et obligés du Moyen-Orient, quitte à les sacrifier régulièrement ensuite[6].

[1] NPR, “Implementation Day Arrives Sanctions On Iran Are Lifted”, 16/1/2016.

[2] “Le Etats-Unis d’Obama ont encore sous-estimé l’intelligence iranienne. » F. William Engdahl, 8/2/2016.

[3]PressTV, “Iran wants oil payments in euros only”, 5/2/2016.

[4] « L’Iran rebat les cartes au Proche Orient » Elijah J. Magnier, 27/9/2021. Saker, 3/10/2021. « Qui est Ebrahim Raïssi, le nouveau président iranien ? » Sputnik News, 19/6/2021 ; 24/6/2021.

[5] « Le virage historique réussi du prince héritier Mohammed ben Salmane ». Entretien de Morad EL HATTAB par Khaled Saad ZAGHLOUL, CVR, 27/5/2022. Saker Francophone, 14/8/2022. « Guerre en Ukraine et conséquences historiques sur l’ordre financier mondial : La libération financière de l’Arabie saoudite grâce au réalisme de Mohammed ben Salmane » Morad el Hattab, RI/CVR, 7/7/22.

[6] « Hassan Nasrallah sur le Yémen et la rivalité entre l’Arabie Saoudite et l’Iran au Moyen-Orient » Sayed7asan, 9/4/2015, Saker, 11/4/2015. « L’Arabie saoudite, prochaine victime du renversement du monde : Vers une guerre de mille ans pour la Mecque ? » Jean-Maxime Corneille, Académie de Géopolitique de Paris, 15/7/2015.

L’aboutissement extraordinaire de plus de 20 ans de mise sous pression de l’Iran au sujet de la question du nucléaire (civil comme militaire), a eu plusieurs conséquences non anticipées par les Anglos-Américanos-Israéliens.

Premièrement, la mise en évidence du caractère belliciste et malhonnête des menées israélo-américaines[1].

Deuxièmement, la compréhension de la nécessité, pour l’Iran, d’établir un rapport de force face à Israël pour faire évoluer les choses au Moyen-Orient. C’était la grande intelligence de feu le général Qassem Soleimani, qui fut justement assassiné parce qu’il causait un problème majeur à Israël par ses méthodes de guerre asymétrique mettant Israël sous pression, en même temps que ses forces iraniennes ou pro-iraniennes taillaient des croupières à l’État islamique en Irak.

La raison principale pour laquelle le général Qassem Soleimani fut assassiné à Bagdad ? Outre le Président Trump qui se fit tordre le bras par Israël au gré des multiples manipulations politiques organisées contre lui, le but stratégique de cet assassinat de Soleimani, était d’empêcher un rapprochement négocié entre l’Arabie et l’Iran. Et l’Irak, de fait, servait de plate-forme d’interface dans la médiation entre l’Arabie Saoudite et l’Iran[2].

Rapprochement qui aurait mis en échec l’intégralité du narratif belliciste anglo-américano-israélien pour le Moyen-Orient.

Et pourtant, troisièmement, c’est ce rapprochement entre l’Iran et l’Arabie qui lui a survécu, et n’a pas pu être empêché. Plus précisément : c’est d’abord le renforcement d’un triangle stratégique Russie–Chine–Iran qui a été la conséquence de l’activisme belliciste anglo-américano-israélien au Moyen-Orient. Et c’est à ce triangle stratégique renforcé, qu’a pu tout récemment s’arrimer l’Arabie Saoudite, grâce à sa nouvelle orientation depuis l’arrivée au pouvoir du Premier ministre Mohamed Ben Salmane. Grâce aussi, à l’impulsion donnée par le soutien du Président américain Trump, malgré son éviction dans des circonstances douteuses aux États-Unis…

Car les réseaux sérieux qui soutenaient Trump, l’avait soutenu pour mettre un terme ou tout du moins ralentir cette hystérie belliciste au Moyen-Orient[3]. Sa réélection manifestement volée a bien montré l’intensité de la pourriture du système politique américain. Cependant ce reflux du bellicisme Moyen-Orient a été enclenché, et c’est ce tournant historique qu’il convient de retenir.

De même, la façon tout à fait spécieuse dont seule l’Arabie Saoudite a été mise en cause depuis Washington, au sujet des attaques terroristes du 11 septembre 2001, tout en taisant les responsabilités américaines et israéliennes, fut également au nombre des motivations majeures de l’Arabie Saoudite pour sortir de ce huis clos destructeur dans laquelle elle était en réalité otage. L’Administration Biden a délibérément tout fait, par idéologie et par calcul, pour éloigner toujours plus l’Arabie Saoudite du giron américain[4].

L’Arabie Saoudite du Prince héritier Mohammed ben Salmane, a choisi de cesser ce jeu malsain consistant à servir sans cesse de bouc-émissaire, dans des manipulations qui n’étaient pas décidées par elle, tout en se contentant d’éponger docilement les déficits sans fin du Trésor américain. C’est cette ère de soumission de l’Arabie et du Moyen-Orient tout entier qui touche aujourd’hui à son terme.

[1] « Nucléaire: les dernières réalisations de l’Iran » IRIB, 12/6/2023.

[2] « Ce serait un mouvement judicieux si l’Irak devenait un médiateur entre l’Arabie saoudite et l’Iran » Andrew Korybko, 22/8/2017. Saker, 4/11/2017.

[3] « Trump, Poutine, Xi Jinping, Boris Johnson et Mohammed ben Salmane : Un autre Ordre Mondial imprévu émerge. » (CVR, 22/5/2020 ; Saker, 24/5/20 ; RI 30/5/20).

[4] « Biden est-il en train de perdre l’Arabie saoudite ? » F.W. Engdahl, 6/9/21, VF : Saker, 15/9/21. « L’effondrement du dollar est en cours – L’Arabie Saoudite signale la fin du statut de pétro… » Brandon Smith, 25/1/2022. Saker, 20/2/23.

En conséquence, l’Arabie Saoudite a fait preuve d’un courage extraordinaire depuis ces trois dernières années, disant enfin leurs quatre vérités au pays occidentaux perturbateurs. Ainsi qu’à Israël, comme en témoigne la récente décision du Prince héritier Mohamed Ben Salmane de rejeter une demande de rencontre du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou[1]. Un Premier ministre que même les serviteurs de l’État israélien honnêtes considèrent comme un dangereux perturbateur pour le Moyen-Orient tout entier, pactisant avec un fanatisme juif qui est responsable de bien des malheurs d’Israël depuis l’Antiquité…

C’est dans ce contexte qu’a pu avoir lieu ce rapprochement entre l’Arabie Saoudite et l’Iran sous l’égide de la Chine ayant ensuite donné lieu à une visite d’État historique du Président iranien Ebrahim Raïssi à Riyad, invité par l’Arabie saoudite afin de sceller le rapprochement entre les deux pays[2]. Tout n’est pas réglé pour l’avenir[3] mais la masse critique de puissance engagée semble de nature pouvoir triompher de toutes les embûches à venir.

Ce rapprochement entre l’Iran et l’Arabie Saoudite n’aurait cependant pu avoir lieu sans le soutien russo-chinois. Il n’en constitue pas moins la mise en échec d’un narratif qui est vendu depuis des décennies au monde entier depuis Washington, Londres ou Tel-Aviv : le narratif d’un Iran agressif mettant sans cesse en scène des incidents permettant de disjoindre sans fin les deux Etats majeurs du Moyen-Orient, que sont l’Iran et l’Arabie Saoudite, et qui pourraient s’entendre sans ces influences délétères. « Le mantra était que pour qu’“Israël” et ses alliés arabes se sentent en sécurité, l’Iran et son état d’esprit révolutionnaire devaient être détruits – ou au moins “reconnectés” mentalement aux modes de vie occidentaux »[4].

Cette dissension entre l’Iran et l’Arabie Saoudite a été orchestrée depuis des années[5]. Elle a rendu possibles de nombreuses manipulations pétrolières, en même temps que d’obscures liaisons dangereuses avec le djihadisme.

Tant l’Arabie Saoudite que l’Iran étaient victimes de ce schéma de domination dont il ne leur aurait pas été possible de sortir par leur seule puissance, sans l’appui récent des Présidents Vladimir Poutine et Xi Jinping. La Chine, qui impose une logique de négociation gagnant-gagnant là où les Anglos-Américanos-Israéliens ont durant trop longtemps abusé de leur puissance. Le résultat, c’est la fin du monde unipolaire, compris ici dans le sens du « nouvel ordre mondial » de George Bush Sr. C’est un coup de maître de la diplomatie chinoise, et c’est en réalité un triomphe d’une intelligence collective comme le Moyen-Orient en avait besoin depuis longtemps[6].

La Russie et la Chine sont en passe de réussir ce que la France n’avait pas la masse critique de réaliser depuis plus d’un siècle, en tant que seule force d’opposition idéologiquement sérieuse face aux menées pétrolières anglo-américaines. Ni même avec l’Allemagne au soutien de l’Iran, après la destruction de la puissance allemande et deux guerres mondiales… La Russie et la Chine réussissent donc là où la France et l’Allemagne n’avait pas assez de masse critique pour impulser un Nouveau Monde à partir du Moyen-Orient.

[1] « MBS vient de rejeter une demande de rencontre de Netanyahu » 23/5/2023.

[2] « Iran / Arabie saoudite : Ebrahim Raïssi invité en Arabie saoudite » • FRANCE 24, 20/3/2023.

[3] « L’accord Arabie Saoudite-Iran sous l’égide de la Chine pourrait rapidement être remis en question » Moon of Alabama, 13/3/2023. Saker, 14/3/23.

[4] « L’accord entre l’Iran et l’Arabie saoudite : pas de normalisation diplomatique, mais une “architecture” » Alastair Crooke, 19/3/2023 ; VF : Saker, 6/4/2023.

[5] « A qui profite réellement le récit de l’“Arabie Saoudite attaquée par l’Iran” ? » Brandon Smith, 18/9/2019 ; VF : Saker, 10/10/2019. « Ce n’est pas de savoir si l’Iran a un rôle dans l’attaque contre l’Arabie Saoudite qui est important » Gareth Porter, The American Conservative, 19/9/2019. RI, 24/9/2019.

[6] « Iran et Arabie saoudite : Un gagnant-gagnant à la chinoise » Pepe Escobar, 8/4/2023. « Accord entre l’Arabie saoudite et l’Iran : Un coup de maître » Leslie Varenne, Réseau International, 2/3/2023. « L’entente Iran-Arabie saoudite signée à Beijing met fin au monde unipolaire » Robin Philpot, Réseau International, 14/3/2023. « Accord Iran-Arabie saoudite sous l’égide de la Chine » Réseau International, 2/6/2023. « La visite prochaine de Xi en Arabie Saoudite sera historique » M. K. Bhadrakumar, 11/11/2022, Saker : 24/11/2022.

À présent, les pièces stratégiques de ce puzzle permettant de remettre totalement en cause l’ordre financier du Moyen-Orient et du monde, se mettent en place.

Le Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG) (Gas Exporting Countries Forum – GECF), forum intergouvernemental visant à défendre les intérêts nationaux des principaux pays exportateurs de gaz naturel. Cette « OPEP du gaz » encore parfaite, créée entre les pays producteurs de gaz, Russie en tête, gagne progressivement en importance, et s’oriente vers des paiements bilatéraux en monnaie nationale[1].

D’autre part, la mise en place de nouveaux systèmes de paiements transnationaux eurasiatique : le système de paiements internationaux chinois (SPIC) / China International Payments System (CIPS). L’alternative chinoise et bientôt eurasiatique au SWIFT occidental. Une alternative qui monte progressivement en puissance.

Ces deux éléments s’ajoutent au rapprochement entre les musulmans sunnites et musulmans chiites au Moyen-Orient, par opposition à l’immonde logique de guerre spéciale relevant du vandalisme diplomatique, dont ont été responsables les Anglos-Américanos-Israéliens au Moyen-Orient depuis des années.

C’est ici la compréhension renouvelée du fait que l’Islam, qu’il soit chiite ou sunnite, n’a rien à voir avec le djihadisme, et doit enfin le proclamer haut et fort après tant de guerres inutiles et tant de terrorisme, qui ont transformé des pays entiers, antérieurement stables et prometteurs, en désert de décombres.

Le vieux fond spirituel puissant de l’Iran, et sa très vieille tradition de ponts entre les différentes religions depuis l’Antiquité jusqu’au soufisme actuel, donne également un rôle stratégique à l’Iran dans le domaine spirituel. Sa position stratégique l’a toujours situé sur les carrefours d’échanges de la Connaissance à travers toute l’Eurasie, ayant abouti à cette sagesse qui a permis de mettre en échec aujourd’hui les nombreuses déstabilisations qu’a subies le Moyen-Orient.

Parallèlement, la dynamique d’abandon du wahhabisme entreprise courageusement par le Prince héritier Mohamed Ben Salmane, doit être salué comme un événement d’une portée historique, susceptible de mettre en évidence le fait que l’origine de ces instrumentalisations internationalistes du djihadisme était en réalité extérieure à l’Arabie.

Toutes ces évolutions sont porteuses d’espoir, reste à présent à savoir quelles conséquences en tirer depuis la France, dont les « experts » semblent s’acharner à ne pas les comprendre[2]

 

Conclusion : La France à la croisée des chemins, entre guerre civile et réintégration dans le Concert des Nations constructives ?

 

Après des décennies de déstabilisations et d’affaiblissements progressifs, la France a été diplomatiquement retournée depuis 2007, dans un sens favorable aux intérêts anglos-américanos-israéliens au Moyen-Orient.

[1] « Le Sénégal fait son entrée au sein du GECF, «l’Opep du gaz» » Jeune Afrique, 24/10/2022. « Doha, l’Opep du gaz voit l’avenir en vert » jeune Afrique, 28/2/22. « Vive le gaz Vers une OPEP du gaz naturel ? » SEFE, 31/10/2017. « Marché : La crise énergétique actuelle va-t-elle mener à la création d’un « Opep du gaz » ? » TradingSat, 17/10/2021. « Energie : la Russie et l’Arabie saoudite discutent d’une “Opep+ du gaz” ! » Capital, 14/10/2021. « Forum des pays exportateurs de gaz: la Russie veut une OPEP du gaz » Ragard sur l’Est, 15/02/2021.

[2] « Bras de fer entre l’Arabie saoudite et la Russie sur l’Ukraine et le pétrole » Jean-Pierre Filiu, Le Monde, 11/6/2023.

D’où il suit que la France s’est engagée d’une façon particulièrement honteuse dans les guerres de Libye et de Syrie, qui ont déclenché de grands malheurs pour ces pays mais aussi pour l’Europe avec la crise des migrants.

Pire, d’un point de vue idéologique, la France a progressivement été soumise dans un sens favorable à l’idéologie du choc des civilisations, la dressant contre le monde musulman. La subtile affaire des caricatures du Prophète Mohammed (SBAL) a été une opération psychologique conduite par les Services étrangers, sur 20 ans, dont le but était de modifier en profondeur l’état d’esprit de l’Europe qui refusa la guerre d’Irak de 2003, dans un sens devenu plus favorable à ce bellicisme aujourd’hui.

L’actuel Président Macron, en France, dont l’arrivée au pouvoir fut douteuse et son maintien encore plus, s’insère précisément dans ce type de narratif idéologique extraordinairement pervers et destructeur. En défendant notablement ces caricatures, tandis qu’il fait durement punir quiconque ose le caricaturer lui-même, ce qui indique au passage une déviance personnelle vers l’hubris.

Un narratif idéologique destructeur, car ce narratif mène à terme à une guerre civile à partir de mauvais fondements : confondant l’Islam et le djihadisme, et faisant fi de l’ancienne expertise islamique française, alors que la France fut historiquement le premier pays occidental à avoir dénoncé cette instrumentalisation artificielle du djihadisme contre le monde musulman, à l’époque par les Britanniques[1].

Macron, au contraire de cette ancienne et puissante expertise islamique française, méprise cordialement les musulmans au même titre qu’il méprise les Français. Il s’insère précisément dans la continuité de deux siècles de propagande subversive et révolutionnaire, similaire au djihadisme dans son esprit. La soi-disant laïcité française est en réalité une « guerre contre les croyants » inavouée : qu’ils soient chrétiens ou musulmans. Ceci, depuis la Révolution française qui fut basée sur beaucoup de mensonges idéologiques devenu aujourd’hui intenables, et invendables au monde.

Le Président Macron dilapide ainsi tout le crédit et le prestige de la France dans le monde, en donnant des Français une image désastreuse à l’étranger. Or les Français n’ont pas réellement le choix de s’y opposer : ils sont face à un appareil d’État très performant, mais détourné contre le peuple français par un Président servant des intérêts manifestement étrangers. Pire, ce sont des techniques de guerre spéciale qui sont mises en place afin de susciter une dynamique de guerre civile. En réalité, de « guerre spéciale », en France : une opposition radicale, artificiellement radicalisés entre chrétiens et musulmans, obtenue par des manipulations relevant de la pure guerre spéciale, dont le dernier attentat d’Annecy (12 juin 2023) semble clairement être le dernier exemple en date.

Et comme par hasard, on retrouve Charlie Hebdo, obscur et pitoyable journal d’extrême-gauche devenu le relais d’opération psychologique subversive étrangère, en première ligne pour dénoncer quiconque pourrait douter de la version officielle de cet attentat[2]

Dans le même temps, alors qu’historiquement les Français furent sans doute le peuple occidental le moins raciste qui soit, parce que la France fut un État puissant qui sut créer du développement et des allégeances sincères partout, grâce au bon sens psychologique et psychopolitique de nombre de ses représentants, un autre narratif se déploie contre la France. Un narratif caractérisé par un Renseignement extérieur soudainement dressé contre l’Islam, avec l’exemple de la cellule antiterroriste Al-Lât de la DGSI. Ceci, alors que l’ancienne expertise française était la plus claire au sujet du fait que l’Islam avait été historiquement un facteur de civilisation, contre des traditions locales arriérées, notamment en Afrique du Nord[3].

Ce narratif de la guerre spéciale, est rendue possible par une union tripartite entre une justice d’extrême-gauche, des médias subversifs et des politiciens lâches uniquement gorgés d’idéologie[4]. Le rôle particulièrement délétère d’une institution judiciaire ouvertement raciste contre les immigrés méritants, tout en montrant une anormale clémence face aux immigrés fauteurs de troubles, est l’un des problèmes majeurs et sous-estimé par ses conséquences[5]. Cette situation aboutit à ce que des dénis de justice soient commis tous les jours au détriment des Français et des immigrés méritants, tandis que de l’autre côté des réseaux subversifs (réseaux Soros) encouragent une immigration déraisonnée, puis agitent les immigrés contre les Français, suscitant artificiellement un racisme qui n’existait pas auparavant.

[1] Hauteclocque, 1930.

[2] « Attaque d’Annecy : les « false flag », ces théories du complot qui réécrivent les événements » Charlie Hebdo, 13/6/2023.

[3] Hattab, 2019 (286).

[4] George Fenech : « L’heure des pros 17/01/2023. «La harangue du juge Baudot reste la bible de la gauche judiciaire» Par Hervé Lehman, Le Figaro, 23/06/2020. Lehmann, 2022.

[5] “Enquête ouverte après des propos racistes au sein de l’Ecole nationale de la magistrature » David Perrotin Mediapart, 22 avril 2021. « Propos racistes à l’Ecole de la magistrature: l’incompréhensible menace du ministère » David Perrotin Mediapart, 26 avril 2021.

De grossières injustices ont lieu dans les deux sens, aboutissant à susciter un énorme ressentiment : de la part des Français contre les immigrés d’une part, de la part des immigrés contre les Français et les institutions françaises d’autre part. La récente exonération par la justice de toute responsabilité concernant un haut cadre du Renseignement intérieur français (DGSI), pédocriminel et violeur de jeunes filles musulmanes sous prétexte de « déradicalisation », fait partie de ces injustices tellement anormales qu’elles semblent conçues pour rendre les musulmans agressifs, ce qui est propice à la guerre spéciale[1]. Une situation anormale, miroir d’une autre situation qui a permis un attentat identitaire d’un genre nouveau avec l’attaque de Christchurch en Nouvelle-Zélande : une attaque basée sur le mépris des autorités britanniques concernant les viols de Telford. Autre exemple de déni de justice tellement grossier qu’il semble conçu pour faire monter les haines de tous les côtés.

C’est pour conjurer ces graves dérives institutionnelles, générant un risque réel de guerre civile qui serait en fait une « guerre spéciale », que je choisis de m’engager en tant que président de la nouvelle Alliance Pour La France : pour mettre un terme à tous ces abus, et pour restaurer la grandeur de la France à l’international à partir de son action devenu juste dans le monde.

Le Président Macron n’a aucune légitimité à demander en son nom à ce que la France soit admise parmi les BRICS[2], comme vient de le lui faire comprendre abruptement la porte-parole du ministère des Affaires étrangères de Russie. Il s’agit d’une organisation dont la France ne fait pas partie et « vis-à-vis de laquelle ils n’ont même jamais éprouvé la moindre politesse, sans parler de bonnes intentions et de sentiments », a déclaré Mme Maria Zakharova.

Étant entendu que c’est le même Emmanuel Macron qui a prétendu grossièrement intimer l’ordre à l’Iran de cesser son soutien à la Russie sur le théâtre ukrainien, une façon particulièrement contraire aux usages diplomatiques. Ou bien il croit vraiment en la légitimité de son autorité, et dans ce cas il est décidément bien peu stable psychologiquement ; ou bien ils n’y croient pas mais dans ce cas il agit en service commandé pour le compte des intérêts anglo-américano-israéliens et de leur propagande antirusse[3].

[1] « L’ancien patron de la DGSI dans les Ardennes Olivier Combe condamné pour détention d’images pédopornographiques » France Bleu, 14 septembre 2021. « Ardennes : l’ancien chef de la DGSI relaxé pour agression sexuelle sur mineure, mais condamné pour pédopornographie » France3, 14/09/2021. « Un ex-officier de la DGSI des Ardennes condamné en appel pour détention d’images pédopornographiques » 30/4/2022. « Pédopornographie : l’ancien patron de la DGSI des Ardennes condamné » » Actu-Juridique, 14/09/2021. « L’ANCIEN PATRON DE LA DGSI DES ARDENNES CONDAMNÉ POUR PEDOPORNOGRAPHIE » Monique Derrien (blog), 15/9/2021

[2] « La France frappe à la porte des BRICS » IRIB, 15/6/2023. « Pourquoi Emmanuel Macron veut aller au sommet des Brics » L’Obs, 12/6/2023.

[3] « France-Iran: aux 3 « irritants » qui enveniment la relation depuis des années (nucléaire, droits de l’homme et otages) Paris en ajoute un 4ème comme le montre l’appel tél d’hier entre les présidents Macron et Raïssi: l’appui iranien à la Russie dans sa guerre en Ukraine. » Georges Malbrunot @Malbrunot 11 juin 2023

Que va dire à présent Emmanuel Macron au Prince héritier Mohammed Ben Salmane, en visite à Paris ? Va-t-il de nouveau tenter de remettre en question la légitimité de ce mouvement de l’Arabie vers les BRICS, au risque de montrer toujours plus son impuissance et son défaut de crédibilité[1]?

Les intelligences ne manquent pourtant pas en France, et énormément de Français sont tout à fait conscients que l’on est en train de créer aujourd’hui artificiellement une situation d’Etat défaillant en France, propice à ce que survienne le pire.

C’est en en ayant conscience maintenant et en agissant maintenant, que nous pourrons éviter le pire. Le but étant également de restaurer la puissance industrielle française qui permettra de reconstruire les pays du monde musulman, qui ont été grandement endommagés par des siècles de mensonges et de guerres.

C’est une nouvelle synergie entre les nations que la nouvelle dynamique des BRICS rend possible grâce à l’impulsion russo-chinoise. La France, de par son influence mondiale, ses réseaux, et surtout à travers les leçons historiques dans son histoire est porteuse, se voit proposer une chance historique de s’extirper elle aussi de trois siècles de déstabilisations qui ont abouti à en faire aujourd’hui l’ombre d’elle-même. La France peut aujourd’hui retrouver sa place dans le concert des nations, un concert des nations qui redevient aujourd’hui possible à mesure que la Chine et la Russie retrouvent leur ancienne sagesse, entraînant avec elles le reste de l’Eurasie et du monde.

C’est une chance historique pour la France, et c’est avant toute une nécessité pour conjurer la guerre civile qui gronde en France.

 

 

Morad EL HATTAB, géopolitologue,

Président de l’Alliance pour la France

(https://alliance-pour-la-france.net)

 

Bibliographie :

AUZANNEAU, Matthieu : Or noir, la grande histoire du pétrole. La Découverte, 2015 (nouveau tirage 2020).

BAER, Robert : La Chute de la CIA : les mémoires d’un guerrier de l’ombre sur les fronts de l’islamisme. JC Lattès, 2002.

BARR James: A Line in the Sand. Britain, France and the Struggle that shaped the Middle-East. Simon & Chuster, 2012.

BRZEZINSKI, Zbigniew : Le Grand Echiquier : L’Amérique et le reste du monde. Éd. Bayard, 1997.

ENGDAHL, F. William : Pétrole, une guerre d’un siècle : L’ordre mondial anglo-américain, éd. Jean-Cyrille Godefroy, 2007

ENGDAHL, F. William : Le Charme discret du Djihad, éd. Demi-Lune, 2018.

ELSÄSSER, Jürgen : Comment le Djihad est arrivé en Europe, éditions Xenia, 2006.

[1] « Mohammed Ben Salman, en visite officielle en France, rencontrera Emmanuel Macron » le Monde, 14/6/23.

EL HATTAB, Morad : Saïf al Islam Kadhafi. Un rêve d’avenir pour la Libye. Éd. Erick Bonnier, 2019

FALIGOT, Roger : Guerre spéciale en Europe, le laboratoire irlandais Paris, Flammarion, 1980.

HAUTECLOCQUE, Xavier (de) : Le Turban Vert, Nouvelle Revue Critique, 1930 (réédition Energéïa, 2013).

HAUTECLOCQUE, Xavier (de) : La guerre en masque noir, Nouvelle Revue Critique, 1931 (réédition Energéïa, 2014).

FONTAINE Pierre : La mort étrange de Conrad Kilian, inventeur du pétrole saharien. Edit. Les Sept couleurs, 1959.

FONTAINE Pierre : La Mort mystérieuse du gouverneur Renard. Éditions Jean-Renard, 1943.

JOHNSON, Ian : Une Mosquée à Munich. Ed. J-C. Lattès, 2011.

PERKINS, John : Les Confessions d’un assassin financier, éditions Alterre, 2005.

PERKINS, John : L’Histoire secrète de l’Empire américain : Assassins financiers, chacals et la vérité sur la corruption à l’échelle mondiale, éditions Alterre, 2008.

PIECZENIK, Steve : Steve Pieczenik TALKS : The Septembre of 2012 through The Septembre of 2014. Autoédité Pieczenik, 2014.

PIECZENIK, Steve : Steve Pieczenik TALKS : Volume II : The Septembre of 2014 through The Septembre of 2015. Autoédité Pieczenik, 2015.

PIECZENIK, Steve : American Warrior in Crises. Ed. Twelve Generations. 2019.

ROCHARD, J. M. : L’Intelligence Service, machine de guerre au service de la City. Éditions de France, 1941.

SAMPSON, Anthony : The Seven Sisters. Ed. Viking, 1975.

SCOTT, Peter Dale : L’État Profond américain : La finance, le pétrole, et la guerre perpétuelle, Éditions Demi-Lune, 2015.

SCOTT, Peter Dale : La Machine de guerre américaine: La politique profonde, la CIA, la drogue, l’Afghanistan. Demi-Lune, 2017.

SHAEFFER, Lt-Col. Anthony : Opération Dark Hearth – Afghanistan, la Guerre Secrète. Éd. Rocher, 2011.

TARPLEY, Webster : La Terreur Fabriquée, Made in USA : 11 Septembre, le mythe du XXIe sècle. Ed. Demi-Lune, 2006.

WAILLY, Henri (de) : L’Empire rompu. Perrin, 2012.

ZISCHKA Anton : La Guerre secrète pour le pétrole (préf. Francis Delaisi), Paris, Payot, coll. « Collection d’études, de documents et de témoignages pour servir à l’histoire de notre temps », 1934.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page