
La mobilisation devant le siège de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) jeudi dernier n’a rien eu de spontané.
Elle s’inscrit dans une démarche hautement politique, préparée et orchestrée plusieurs jours à l’avance. L’événement du 7 août 2025 dépasse de loin les tensions internes connues de longue date au sein de l’organisation et ne se limite pas aux revendications de l’opposition syndicale.
Les slogans scandés sur place allaient bien au-delà des critiques habituelles : appels explicites à geler ou dissoudre l’UGTT, accusations de corruption, et attaques directes contre la direction nationale. Ces charges trouvent un écho dans le fait que la centrale syndicale, sous sa direction actuelle, a multiplié les compromis politiques et les alliances opportunistes, perdant ainsi une partie de sa crédibilité auprès de sa base et de l’opinion publique.
Le contexte politique actuel est dominé par un principe devenu central : personne n’est au-dessus de la reddition des comptes.
Des responsables politiques comme syndicaux ont déjà été visés, et rien ne laisse penser que l’UGTT échappera à cette logique, d’autant que le président Kaïs Saïed a clairement évoqué la centrale dans son discours récent, laissant entendre que la justice pourrait s’y intéresser de plus près.
Pourtant, malgré la tension ambiante, la direction syndicale ne semble pas vouloir franchir le cap de l’escalade. La rencontre entre Noureddine Taboubi et le président du Syndicat national des journalistes tunisiens, Fahem Boukadous, a donné lieu à un geste d’apaisement concret : le report de la grève du transport aérien. Mais sur les réseaux sociaux, les appels à dissoudre ou neutraliser l’UGTT continuent de circuler massivement.
La centrale syndicale n’est plus aujourd’hui ce qu’elle fut durant les grandes batailles sociales et politiques. La modification controversée de l’article 20 de son règlement interne, les affaires de corruption touchant certaines instances régionales ou nationales, ainsi que des choix stratégiques contestables, ont considérablement affaibli sa capacité de mobilisation.
Cependant, détruire ou marginaliser complètement l’UGTT, même affaiblie, serait une prise de risque majeure pour la paix sociale en Tunisie. La solution ne réside ni dans les slogans creux ni dans la vindicte publique, mais dans une véritable opération de nettoyage interne, avec une refonte de sa direction et un retour à une légitimité construite à partir de la base.
L’heure de vérité approche : soit la centrale entreprend elle-même cette transformation radicale, rompant avec une ère marquée par les calculs personnels et les compromissions, soit elle sera entraînée dans un bras de fer avec la rue et le pouvoir un affrontement qui pourrait sceller sa perte comme acteur incontournable de la scène nationale.