Plumes des deux rives

La visite de Giorgia Meloni en Tunisie : promesses italiennes ou nouvelle transaction politique ?

 

Nizar Jlidi Journaliste et analyste politique

Une visite qui n’a rien d’anodin

La venue de la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, en Tunisie aujourd’hui ne relève pas du simple protocole diplomatique.

Elle s’inscrit dans une dynamique stratégique entamée depuis l’accession du président Kaïs Saïed au pouvoir.

Dans ce contexte, l’Italie s’est démarquée comme le partenaire européen le plus proche de Tunis, surtout en comparaison avec les postures hésitantes, voire tendues, de Paris ou Berlin, parfois perçues comme hostiles.

Coopération sur la migration : entre intérêts croisés et déséquilibre assumé

Si la Tunisie est régulièrement pointée du doigt pour son rôle supposé de « garde-frontière » de l’Europe, la réalité est plus nuancée. Contrairement à d’autres capitales européennes, Rome a augmenté ses quotas de visas pour les Tunisiens, notamment pour le travail ou les études, un geste d’ouverture, certes, mais encadré.

Ce qu’on oublie souvent, c’est que l’Italie bénéficie en retour de financements européens importants pour avoir « freiné » les flux migratoires. Or, une bonne part de ce « résultat » repose sur les efforts tunisiens, qui se traduisent par un contrôle plus strict des frontières, en particulier envers les migrants venus d’Afrique subsaharienne.

Cela a provoqué des tensions internes et des accusations selon lesquelles le président Saïed aurait transformé le pays en barrière humaine au service de Rome.

Mais au-delà des discours, Tunis se retrouve à supporter un poids énorme, sans pour autant recevoir en retour un soutien économique ou des investissements à la hauteur des responsabilités assumées.

L’économie : il est temps de rendre la pareille

La Tunisie traverse une crise économique aiguë. Face à cette réalité, l’Italie est aujourd’hui appelée à dépasser les déclarations de principe pour s’engager concrètement : investissements directs, appui à des secteurs stratégiques comme l’industrie ou les énergies renouvelables, ou encore une coopération structurelle et équitable.

Certes, la visite pourrait déboucher sur des projets à moyen terme. Mais l’expérience pousse à la prudence : sans mécanismes clairs de suivi ni garanties concrètes, les promesses risquent de rester sans lendemain. C’est là une responsabilité partagée, diplomatique et politique.

Diplomatie et repositionnement : la question palestinienne comme révélateur

La visite de Meloni intervient peu après ses propos évoquant le soutien à une solution à deux États en Palestine, suite à ses rencontres avec le Premier ministre israélien Netanyahu, où elle a appelé à l’ouverture de couloirs humanitaires à Gaza.

Alors que Meloni s’était montrée jusqu’ici inflexible dans son soutien à Israël, son ton semble avoir changé. S’agit-il d’un repositionnement sincère ? Ou d’un calcul pour soigner ses relations avec Alger et Tunis ?

Pour la Tunisie, la réponse à cette question est un véritable test de crédibilité. Rome ira-t-elle jusqu’à suspendre ses ventes d’armes à Israël ?

Ou se contentera-t-elle d’un discours poli sans impact réel sur le terrain ?

entre prudence et confiance, Tunis garde ses cartes en main

Quel que soit le véritable objectif de cette visite, la Tunisie n’est pas en position de faiblesse. Au contraire, elle reste un acteur incontournable pour l’Europe en matière de migration, d’énergie et de stabilité régionale.

Pour que ce déplacement produise des résultats concrets, la Tunisie devra rester ferme sur ses priorités, cohérente dans ses revendications, et vigilante quant à ne pas glisser du statut de partenaire à celui de simple outil géopolitique.

 

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