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Coronavirus : L’accord sur le Plan de relance qualifié «d’historique » par Emmanuel Macron et Angela Merkel

Les dirigeants européens viennent de faire un saut qualitatif inédit à l’Union européenne avec l’accord sur le Plan de relance trouvé à Bruxelles,. Malgré les freins posés par les quatre pays récalcitrants.

Ce pas qualifié « d’historique » par Emmanuel Macron et Angela Merkel a nécessité des compromis sans doute douloureux. Il impose surtout, à ces mêmes dirigeants, de trouver maintenant les moyens de dépenser intelligemment cet argent. Pour garantir vraiment la relance.

Le  couple franco-allemand et la majorité des pays de l’UE soutenaient un plan ambitieux. Inédit sur deux points : il introduit pour la première fois (même s’il y a eu un mini-précédent durant la crise de la zone euro) le principe d’un endettement collectif, à hauteur de 750 milliards d’euros ; et il introduit aussi pour la première fois une distribution de cet argent selon les besoins (et non en suivant la répartition par richesse) des pays sous forme de subvention.

Au final, les pays dits « frugaux » (Pays-Bas en premier, Autriche, Suède et Danemark) ont obtenu des concessions sur la gouvernance, sur leur rabais, sur le montant lui-même. La répartition entre subventions et prêts a été modifiée : non plus 500 milliards de subventions et 250 de prêts, mais 390 et 360. Peu importe. Mark Rutte, le Premier ministre néerlandais peut dire ce qu’il veut en rentrant à La Haye, les deux principes inédits ont été actés. « C’était totalement impensable en mars dernier », insistait à l’aube, mardi, l’entourage du Président Macron.

Sans la constance de Macron et sans les gestes de Merkel, ce résultat n’aurait pu être obtenu. On peut certes rappeler que l’évolution de l’Allemagne sur l’endettement collectif est essentiellement due au risque que la crise, notamment en Italie, pose de manière névralgique au Made in Germany. Mais le geste politique est là. L’Allemagne a toujours dit que le marché intérieur était son cadre naturel de référence. Elle le réaffirme en faisant un geste : ce plan est un investissement collectif de longue durée sur ce cadre.

Certains noteront que le couple franco-allemand, même uni comme cela a été le cas de façon assez remarquable durant les quatre jours du sommet, rencontre des oppositions farouches. Certes. Mais aussi acerbes qu’aient été les refus néerlandais ou autrichien, au final c’est bien la ligne dessinée par Berlin et Paris le 18 mai dernier qui l’a emporté. La France, économiquement affaiblie par rapport à l’Allemagne depuis une quinzaine d’années, s’était aussi affaiblie politiquement, les Républicains et les Socialistes perdant leur influence à Bruxelles. Le décalage économique demeure, mais, politiquement, Emmanuel Macron peut revendiquer à bon droit d’avoir fait peser de nouveau la voix française. L’image des deux leaders, qui ont dans la discrétion accordé leurs positions, en témoigne.

Pour obtenir cet accord, il a fallu céder aux demandes des pays récalcitrants. Sur certains points, on peut difficilement leur donner tort. Exiger un contrôle des dépenses n’est pas, en soi, une demande extravagante. En revanche, ce qui est beaucoup moins glorieux, c’est la question du fameux rabais dont cinq pays continuent de bénéficier. Une ristourne introduite par Margaret Thatcher. L’Autriche et les Pays-Bas ont obtenu, durant le sommet, que cette ristourne soit augmentée. L’Allemagne a fait le geste de ne pas le demander. C’est une maigre consolation, mais le saut qualitatif du plan en tant que tel exigeait des compromis.

Quant au rabotage de certains chapitres essentiels de la dépense européenne, il va falloir encore un peu de temps pour les mesurer pleinement. Mais Erasmus, la Pac dans une certaine mesure, la défense et la santé, ont fait les frais de l’urgence économique. C’est une bataille de tranchées qui s’annonce dans le parcours législatif du prochain exercice budgétaire. Mais au global, le budget de l’UE a quasiment doublé avec ce plan de relance.

Vu le ton, la stratégie et la réluctance à parler de l’intérêt européen, le sommet de Mark Rutte est étrange. Il a été le protagoniste incontesté du feu de barrage opposé au plan Macron-Merkel. Il obtient une forte augmentation de sa ristourne budgétaire, un pouvoir de contrôle du Conseil sur la distribution des fonds.

Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte en discussion avec son homologue espagnol Pedro Sanchez.

Mais au final, Rutte signe un Plan de relance qui introduit durablement de l’endettement en commun dont la part majoritaire sera distribuée sous forme de subventions. Comparé à Cameron par Emmanuel Macron durant une altercation après trois jours de débats, Mark Rutte semblait bien avoir adopté une attitude très britannique durant ce sommet. Comme s’il voulait refuser catégoriquement l’idée d’une union plus étroite. Sa signature finale sur le compromis montre que c’était avant tout une posture.

La grande question, maintenant, va être celle de l’utilisation de cette montagne d’argent. C’est là que la Commission européenne va entrer en jeu. On mesurera le succès de ce plan à deux résultats. La capacité de rebond qu’il aura permis de faire à tous les pays européens pour répondre à la crise en modernisant leur économie. Le second résultat important, beaucoup moins évident, sera de veiller à ce que la relance ne creuse pas encore davantage le fossé qui sépare le nord du sud de l’Europe. L’esprit du Plan est de le combler, mais sa pleine capacité à le faire est encore à démontrer.

Ce nouveau défi est d’autant plus important que l’épidémie a démontré les limites des discours populistes. L’accord de Bruxelles est une mauvaise nouvelle pour tous ceux qui affirmaient que l’Europe n’aurait pas su répondre à la crise. Pis, il est bien prévu qu’un mécanisme soit introduit pour suspendre les aides européennes en cas d’atteintes à l’État de droit. Giuseppe Conte, le Premier ministre italien rentre à Rome avec une aide européenne que Matteo Salvini aurait certainement incapable d’obtenir. Mais la crise sociale que cette crise va inévitablement produire n’a pas encore été pleinement mesurée. Les opinions auront besoin de preuves concrètes de la valeur ajoutée que représente l’Union européenne

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