Tunis

Des tunisiennes émigrées dans le monde politique: Mme Hela ALOULOU

Des tunisiennes émigrées dans le monde politique: Mme Hela ALOULOU

dossier nouredine chafai

Le magazine électronique « VOIX DES DEUX RIVES » (VDR), à l’occasion de la fête de la femme tunisienne, a souhaité mettre en exergue les candidates tunisiennes, issues de l’émigration, aux législatives de 2019.

Pour se faire, nous avons pris attache avec nombre de ces candidates en France et en Italie.

Nous savons posé les mêmes questions à ces dames, qui ont pris de leur temps pour nous répondre. Nous les remercions vivement et leur souhaitant la pleine réussite dans ce qu’elles entreprennent.

Mme Hela ALOULOU, avocate, tête de liste de TAHYA TOUNES, France Nord.

1 – vos sentiments sur le microcosme politique actuel tunisien?

La classe politique tunisienne souffre, après des années de dictature, d’une explosion en matière de partis et un engouement pour les candidatures spontanées dans les diverses fonctions. Cette forme de populisme est très normale dans un pays qui essaie de réussir sa transition démocratique.

Le vrai problème est que cette mutation politique ne s’est pas accompagnée d’une moralisation de la vie politique. Les principes de liberté et de démocratie sont mal compris et leur application donne lieu à des dérives et une banalisation de la chose politique. Ceci entraîne un rejet de la classe politique qui devient comme vous dites un “microcosme” avec une connotation péjorative.

Mais pour moi une sélection naturelle par de successives prises de conscience et une maîtrise du jeu démocratique finira par assainir la scène politique.

 

2- beaucoup de tunisiens jugent les résultats, qualifiés de mitigés voire très faibles, du travail des députés (e) sortants (e), que répondez-vous?

Concernant le travail des parlementaires sortants je pense que beaucoup de choses ont été accomplies mais les vrais blocages viennent essentiellement du règlement intérieur qui comporte plusieurs failles. Par ailleurs les tiraillements politiques dus à la composition des groupes parlementaires fait que de nombreux blocages surviennent au cours des travaux des commissions, ainsi que des disputes pendant les plénières qui souvent dégénèrent en règlements de comptes houleux. Tous ces problèmes nuisent au rendement des parlementaires et donnent une image négative malgré les efforts fournis.

3- une majorité des tunisiens voient mal ce « tourisme des partis », que leur répondez vous et que pensez-vous d’une loi l’interdisant?

le “tourisme des partis” comme l’appellent les tunisiens, est un phénomène lié à la fois au nombre anormalement élevé de partis et à une certaine fragilité ou instabilité de certains partis. Il faut dire que l’exercice démocratique dans une jeune démocratie comme la nôtre, passe obligatoirement par des turbulences, chez nous elles se manifestent par une instabilité partisane, qui s’étend aux députés.

C’est pourquoi, il faut sensibiliser les politiques aux règles déontologiques et à la discipline partisane et surtout moraliser la vie politique tunisienne de façon générale. Cette moralisation aboutira nécessairement, comme c’est le cas dans les grandes démocraties du monde, à un regroupement des familles politiques et à l’émergence de grands partis unifiés et bien structurés, ce qui donnera lieu automatiquement à une discipline partisane qui mettra naturellement fin à ce tourisme parlementaire.

Je pense que ce n’est pas une loi, mais une refonte des principes et de la morale politique tunisienne qu’il faut opérer.

 

4- quels sont vos projets pour la prochaine députation, surtout concernant les tunisiens à l’étranger.

pour la prochaine députation, je pense qu’il faut commencer par revoir le règlement intérieur pour fluidifier le travail de l’assemblée et permettre un meilleur rendement.

Pour ce qui est des tunisiens résidents à l’étranger, j’aimerai faire en sorte qu’ils n’aient plus à être confrontés, comme je l’ai moi-même été, à un choix difficile qui consiste à choisir entre le fait de continuer à scolariser mes enfants en France et les faire bénéficier de tous les avantages qui en découlent ou les ramener en Tunisie pour leur permettre de mieux connaître leur culture d’origine, renforcer leur sentiment d’appartenance à la Tunisie et leur apprendre la langue arabe.

Je veux faire en sorte que l’identité, voire la “tunisianité” de chaque TRE soit l’élément central de sa vie où qu’il soit. Pour ce faire, je compte pousser vers la mise en œuvre effective du Conseil des Tunisiens Résidents à l ‘Étranger (le CTRE) en vue de démarrer les concertations réelles et stratégiques pour une meilleure prise en charge des besoins des TRE. Je voudrais que le tunisien qui vit loin de chez lui puisse garder le contact avec sa patrie et puisse mieux transmettre cette identité à ses enfants. En même temps, il est important de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour que les TRE deviennent les ambassadeurs de leur pays d’origine dans leur pays d’accueil, en leur octroyant les moyens de construire des ponts d’échange et de collaboration entre les deux pays.

Le tunisien, où qu’il soit doit pouvoir investir dans un logement en Tunisie, créer son projet dans son pays et rentrer chez lui plus facilement et avec moins de frais, de charges et de contraintes. Il doit aussi avoir le droit d’accéder à tout type de poste ou de fonction dans son pays et pouvoir obtenir facilement l’équivalence de ses diplômes étrangers et les utiliser pour accéder aux concours nationaux.

 

5- est ce qu’il y a des projets ou promesses, que les représentants sortants des tunisiens à l’étranger avaient faits lors de leurs compagnes de 2014,  qui n’ont pas été appliqués ou obtenus? Si oui pourquoi? Quelle sont les raisons, telles raisons pourraient-elles être évitées lors de la prochaine députation et comment?

 

Malheureusement la plus importante promesse électorale de 2014 n’a pas été honorée, il s’agit de la baisse des prix du transport aérien et maritime. A cet effet, je m’engage à batailler pour étendre les accords de l’open Sky et les rendre applicables à l’aéroport de Tunis-Carthage. Pour le maritime, j’ai déjà commencé à négocier avec le ministère des transports la possibilité de mettre en place une ligne permanente de transport mixte passagers/marchandises entre Marseilles et Zarzis, cette mixité de transport fera forcément baisser les prix. Il faudra aussi penser à mettre en place des lignes de transport privé pour faire jouer la concurrence et maîtriser les prix qui restent prohibitifs pour certaines familles et empêchent les familles de transmettre la culture et les valeurs liées à leur identité, à leurs enfants. C’est ce lien affectif et identitaire qu’il faut absolument défendre chez tout tunisien où qu’il réside.

 

6- pensez-vous que la femme tunisienne a bien gagné sa place dans le paysage politique, surtout avec l’obligation de la parité dans les listes présentées . De même pour les jeunes?

 

La femme tunisienne a arraché la parité verticale dans les listes électorales depuis 2011 et a bataillé pour que cette parité soit maintenue en 2014 et pour que le principe d’égalité des chances soit garanti par la constitution tunisienne. Sauf que ces avancées ne sont pas suffisantes, en 2017 la loi électorale pour les municipales prévoyait aussi la parité horizontale en plus de la parité verticale, mais la parité horizontale n’a pas été reconduite pour les législatives de 2019.

Je reste, par ailleurs, persuadée que la décision du chef du gouvernement Youssef Chahed  qui a imposé par circulaire que toute proposition de nomination doit comporter obligatoirement au moins deux noms en respectant la parité, est un très bon prélude pour imposer la parité horizontale dans les prochaines législatives. En effet l’application de cette circulaire permettrait de mieux préparer les femmes à assumer de hautes fonctions dans l’état.

Pour les jeunes, une simple incitation, et non une obligation, à été instaurée dans la loi électorale pour assurer la présence d’un jeune dans les 4 premières places d’une liste législative. Sauf que cette incitation n’est pas respectée, c’est pourquoi il est important que cette règle devienne obligatoire. Il faut aussi que la classe politique soit rajeunie et que nous apprenions à faire confiance aux jeunes dirigeants ou aux jeunes leaders politiques.

 

7- quelles raisons ont fait que vous franchissez le pas d’une journaliste à une future députée? Est ce la fait d’être une communicante peut être un plus pour réussir en politique?

Je ne suis pas journaliste, je suis avocat et j’estime que ma profession, tout autant que le journalisme est à même d’apporter un plus à ma réussite en politique. La maîtrise de l’argumentaire, l’éloquence et la bonne connaissance des lois sont des atouts majeurs en politique, surtout que je brigue un mandat de député pour aider, non seulement dans la mise en œuvre des institutions prévues par la constitution et non achevées par l’actuel parlement, mais aussi dans la mise en œuvre  des grandes réformes que nécessitent les transitions démocratique et économique de la Tunisie.

 

 

 

8- un petit mot à l’occasion de la fête tunisienne de la femme du 13 août.

Je félicite toutes les femmes tunisiennes à l’occasion de cette fête qui commémore la promulgation du code du statut personnel. La femme tunisienne est et restera pionnière en matière de droits et d’acquis. Mais ces acquis ne doivent pas nous faire oublier que la femme tunisienne n’a pas encore acquis tous ses droits et que le chemin reste long. Certains droits socio-économiques ne sont pas encore acquis, surtout dan le secteur privé et en matière d’avancement et de carrière. Certes les choses bougent dans le bon sens, mais hommes et femmes doivent continuer le combat pour aboutir à une égalité parfaite aussi bien dans les textes que dans les mentalités et les pratiques.

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